
Mediapart a consulté les données collectées par l’Agence régionale de santé, gardées secrètes pendant les JO. La pollution a parfois été très sévère. Mais tout à sa communication et à sa volonté de doubler Anne Hidalgo, Amélie Oudéa-Castéra a passé outre le jour de sa baignade.
« L’eau de la Seine est bonne ! », s’était exclamée Amélie Oudéa-Castéra, le 13 juillet, jour de son grand plongeon devant les caméras de BFM TV. « Bonne », peut-être, mais surtout très sale.
Des données collectées par l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France en marge de l’organisation des Jeux olympiques, dont plusieurs épreuves ont été programmées malgré les protestations et incertitudes, font apparaître des niveaux de pollution incompatibles avec la baignade, y compris au moment où la ministre prétendait le contraire, en combinaison de plongée et bonnet de bain.
Le samedi 13 juillet à midi, au pied du pont des Invalides (VIIe arrondissement de Paris), lieu choisi par Amélie Oudéa-Castéra pour plonger dans la Seine quelques heures plus tôt, la teneur en bactéries E.coli a été relevée à 1 414 NPP/100 ml d’eau, un taux largement supérieur au seuil réglementaire de 900 NPP/100 ml, d’après ces documents.
Le taux d’entérocoques intestinaux était lui aussi au-dessus des critères fixés par les autorités sanitaires, selon ces mêmes données, qui affichent un résultat de 461 NPP/100 ml pour une limite fixée à 330. Les résultats des trois autres points de prélèvement autour du site olympique – situés au niveau du pont Alexandre III, du port du Gros Caillou ainsi que du pont de l’Alma – faisaient également apparaître ce jour-là des niveaux largement au-dessus des plafonds.
Or, les analyses de la présence d’E.coli et entérocoques, qui témoignent de la contamination de l’eau par les excréments, constituent des « indicateurs du risque sanitaire », rappelle l’ARS. Leur présence peut être associée à d’autres germes pathogènes, comme le virus de l’hépatite A, le SARS-CoV-2 ou des bactéries telles que des staphylocoques ou leptospires. (...)
Dans un troisième avis, adressé au préfet de région Marc Guillaume le 24 juillet, deux jours avant l’ouverture des Jeux olympiques, l’agence régionale de santé s’est également déclarée favorable à la tenue des épreuves de triathlon et nage libre, en soulignant « l’amélioration de la qualité de l’eau », en dépit de « plusieurs dépassements ponctuels conjoncturels à relier à des phénomènes pluvieux ». Mais, l’ARS a aussi fondé son raisonnement sur le « caractère exceptionnel des Jeux olympiques » ou sur le statut des athlètes, qui sont en « bon état de santé » et bénéficient d’un « suivi médical individualisé adapté ».
Avec quelques garde-fous, toutefois. Par exemple, l’agence a considéré que les épreuves devaient être reportées « si un seul des résultats d’analyse en laboratoire des prélèvements effectués sur les 4 points de surveillance renforcée, au plus proche de chaque événement, dépass[ait] les seuils ». Une préconisation qui n’a pas été respectée, la ministre Amélie Oudéa-Castéra assumant même publiquement le maintien de l’épreuve de relai mixte de triathlon alors que les résultats étaient mauvais juste à côté de la zone de compétition, au niveau du point de prélèvement du port du Gros Caillou.
Enfin, tandis que l’ARS avait là encore sollicité la mise en œuvre d’un « plan de communication à destination du grand public rappelant que la baignade pour tous reste interdite », ce message n’est visiblement pas parvenu jusqu’aux oreilles de nombreux élus, à commencer par Emmanuel Macron. « Nous y sommes, se félicitait le président de la République, dans un message publié sur X le 31 juillet. Par un investissement massif de l’État avec Paris et le Val-de-Marne, nous avons réussi en quatre ans l’impossible depuis cent ans, la Seine est baignable. »