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Vacarme
la petite muette
par Claire Rodier
Article mis en ligne le 21 avril 2011
dernière modification le 16 avril 2011

par Claire Rodier

Le projet européen a pu apparaître comme un rempart aux excès sécuritaires et xénophobes des politiques nationales. Pourtant, en matière d’immigration, le processus d’élaboration de règles communes se caractérise par un nivellement par le bas : fermeture des frontières, criminalisation de l’immigration, application restrictive du droit d’asile. Depuis 2004, l’Union s’est d’ailleurs dotée d’un bras armé pour exécuter ses basses œuvres en matière de répression des migrants aux frontières : l’agence Frontex.

De l’agence Frontex (agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures), on connaît surtout les interceptions maritimes qu’elle pratique aux frontières sud et sud-est de l’Europe pour empêcher les barques de migrants d’arriver sur les côtes espagnoles, italiennes ou grecques(...)

On sait aussi qu’elle fournit aux États membres de l’Union européenne (UE) l’appui nécessaire pour organiser des « opérations de retour conjointes » de migrants, autrement dit des charters d’expulsés.(...)

On a beaucoup moins d’informations sur deux autres missions de Frontex : d’une part le travail de renseignement, en vue de la production d’« analyses de risques » (il faut comprendre : de risques migratoires), elles-mêmes destinées à orienter le choix de ses interventions pour la protection des frontières européennes ; d’autre part la collaboration avec les forces d’intervention de pays non européens via la négociation d’accords techniques. L’une et l’autre jouent pourtant un rôle déterminant dans la « guerre aux migrants » dans laquelle l’UE est engagée depuis une dizaine d’années. (...)

La métaphore belliqueuse n’est pas exagérée, non seulement parce que cette guerre a déjà fait de nombreuses victimes [2], mais aussi au regard des moyens logistiques dont dispose Frontex, de ses modes d’intervention et de son organisation.(...)

Pour conduire ses missions, Frontex n’a pas d’équipement propre, mais s’appuie sur les ressources humaines et matérielles qui sont fournies par les États membres, sur la base du volontariat. (...)

Ces équipements, qui sont basés dans différents pays de l’UE, sont mis à la disposition de l’État membre qui en fait la demande. Ils permettent à l’agence de conduire des interventions de grande ampleur(...)

On ne sait quasiment rien des accords conclus par Frontex, sinon qu’ils ne respectent pas les règles applicables pour la conclusion de traités internationaux, pas plus que celles de l’UE (...)

En principe, une armée est sous l’autorité d’un État, qui en contrôle et en commande les opérations. Avec Frontex, les choses ne sont pas si simples : dotée de la personnalité juridique, distincte de l’UE et des États membres, l’agence est dans le même temps institutionnellement reliée aux organes de l’UE comme des États. Alors qu’elle n’est censée être qu’un organe de coopération et de coordination, l’étendue de ses compétences à toutes les étapes de la chaîne des opérations lui en confie de fait la maîtrise. (...)

Dans le projet de réforme de l’agence qui devrait être adoptée en 2011, elle se verra en outre confier le soin d’évaluer les résultats des opérations conjointes et de projets pilotes. Un mécanisme d’auto-contrôle qui ne rend Frontex comptable de ses actes que devant elle-même, dans une totale absence de transparence. (...)

telle est sa fonction : jouer le rôle de parapluie pour les États membres, en privilégiant la fermeté de la lutte contre l’immigration dite « clandestine » sur l’obligation qui incombe pourtant aux membres des équipes coordonnées par l’agence, aux termes de son règlement, « de s’acquitter de leurs tâches dans le plein respect des droits fondamentaux et de la dignité humaine ».(...)
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