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La note qui révèle comment l’agrobusiness attaque les journalistes bretons
#agrobusiness #Bretagne #journalistes
Article mis en ligne le 26 octobre 2024
dernière modification le 24 octobre 2024

Une note interne signée par Les Z’Homnivores, association d’industriels de la viande soutenue par la région Bretagne, dépeint le journaliste Nicolas Legendre en militant de la « post-vérité » rattaché à l’« ultra-gauche », en « croisade personnelle [pour] la fin de l’agriculture et la production alimentaire en Bretagne ». Ce document que nous rendons public en intégralité traduit une volonté de nuire étrangère à l’exercice normal du débat démocratique.

Le 11 décembre 2018, le président de Région, Loig Chesnais-Girard inaugure un colloque organisé à l’École supérieure de commerce de Rennes. Pendant trois heures, les intervenants se succèdent pour rassurer les consommateurs tentés d’abandonner les produits carnés. L’évènement, soutenu par la région Bretagne dans le cadre de son programme Breizh Cop, est organisé par les Z’Homnivores, association-vitrine des industriels de la viande.

C’est ce même organe qui a rédigé la note intitulée « Pour Nicolas Legendre, peu importe la réalité pourvu qu’il y ait l’audience », dont l’existence a été révélée sur Twitter, vendredi 7 juillet, par le principal intéressé (voir ci-dessous). « Largement diffusée dans le milieu agricole, alimentaire et politique », selon le coordinateur et directeur délégué des Z’Homnivores, Hervé Le Prince, interrogé par Arrêt sur images, elle a été produite en avril 2023, entre la série d’articles publiée par Le Monde sur « La face cachée de l’agrobusiness » et la parution du livre Silence dans les champs.

Au fil des six pages, l’auteur anonyme égraine les prétendues motivations du journaliste dans son travail d’enquête sur le productivisme agricole breton. (...)

Dans ce réquisitoire servi aux décideurs bretons, les déboulonnages de roues subis par Morgan Large deviennent des « faits d’armes », l’IUT de Lannion une école formant « une jeune génération de journalistes engagés » et Splann ! un moyen de poursuivre un « dessein complotiste ».

« C’est un grand classique », explique Patrick Eveno, historien des médias et ancien président du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM). « Hormis la censure directe, il y a trois moyens de faire taire les journalistes : la pression économique avec les procès-bâillons, l’intimidation des sources et la décrédibilisation des journalistes et de leurs médias. » (...)

De la riposte face à L214 au dénigrement des journalistes

Derrière la dénomination enfantine de l’association Les Z’Homnivores se trouvent les principaux acteurs de l’industrie agroalimentaire bretonne, qui se sont unis pour répliquer aux associations antispécistes dont L214.

Son bureau est composé de Rémi Cristoforetti, directeur général de la coopérative agricole Le Gouessant, Jacques Crolais, directeur de l’Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPVB), et Marie Kieffer, déléguée générale de l’Association bretonne des entreprises agroalimentaires (ABEA). Le logo de la Chambre d’agriculture de Bretagne apparaît sur certaines communications. (...)

Se présentant comme engagés dans une logique de « ré-information », expression forgée à l’extrême droite du spectre politique, Les Z’Homnivores semblent surtout dérangés par l’existence d’une presse qui revendique son rôle de contre-pouvoir. Un témoignage rédigé par Hervé Le Prince, directeur délégué des Z’Homnivores, est en cela éclairant. (...)

Au cours de l’enquête de Splann ! sur Plouvorn, capitale française de la production porcine, une missive cosignée par les présidents de l’UGPVB et du Comité régional porcin est tombée dans la boîte mél de nombreux acteurs de la filière. Accolant l’épithète « militant » aux journalistes de Splann !, elle dissuade les éleveurs de répondre à leurs questions. Un procédé qui sape le contradictoire, l’un des piliers de la déontologie journalistique. Ce dont les communicants n’ont pas besoin de s’encombrer. (...)

Il faut dire que dans la bataille entre information et communication, le rapport de force est faussé. Si le nombre de cartes de presse recule autour de 35.000 en France, la communication représenterait 155.000 emplois dans les entreprises et 115.000 dans des agences. (...)

Au printemps 2020, plus de 500 journalistes et professionnels des médias, bientôt rejoints par plus de 50.000 citoyennes et citoyens, avaient signé une lettre ouverte « pour la liberté d’informer sur l’agroalimentaire en Bretagne ». Le président de la région Bretagne s’était alors « engagé à participer au démantèlement de toutes les autocensures qui empêchent les journalistes de travailler sereinement ». « Oui, je suis volontaire pour faire en sorte que la presse puisse faire son travail en toute indépendance et en toute impartialité en Bretagne », poursuivait Loïg Chesnais-Girard.

Le conseil régional peut-il encore s’associer à un organe qui opère dans l’ombre pour déstabiliser la presse ?

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« Guérilla administrative et contentieuse », « mise au pilori », voilà comment Antoine Armand qualifie, ce 23 janvier 2024, l’action des associations de défense de l’environnement. Tandis que les projecteurs sont braqués sur les actions coups de poing d’agriculteurs en mal de rémunération, le député macroniste de Haute-Savoie visite un élevage de volailles situé à Geispolsheim, en Alsace, dans le cadre d’une mission sur la promotion de l’élevage que lui a confiée le ministre Marc Fesneau.(...)

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