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"La Libye, c’est un calvaire, il n’y a aucun respect pour les personnes noires" : témoignage d’un Camerounais à Zaouïa
#Libye #migrants #immigration #maltraitances
Article mis en ligne le 24 novembre 2025
dernière modification le 21 novembre 2025

Laurent (prénom d’emprunt) a quitté son Cameroun natal en 2023, quelques mois après la mort de son père. L’aîné de la famille espère alors rejoindre l’Europe pour subvenir aux besoins de sa mère et de ses cinq frères et sœurs. Depuis janvier 2024, le jeune homme de 21 ans survit à Zaouïa, dans l’ouest de la Libye, en attendant de tenter la traversée de la Méditerranée. Témoignage.

"Au départ, je voulais essayer de rejoindre l’Europe depuis les côtes tunisiennes. Mais quand j’ai entendu ce qu’il se passait dans ce pays, j’ai préféré éviter la Tunisie, et tenter ma chance depuis la Libye.

Ces derniers mois, InfoMigrants reçoit de plus en plus de témoignages d’exilés qui choisissent de tenter de rejoindre les côtes européennes depuis la Libye, délaissant la Tunisie. Dans ce pays dirigé par Kaïs Saïed, les migrants sont depuis deux ans la cible de violences de la part de la population mais aussi des autorités.

Les exilés risquent d’être interpellés dans la rue, les commerces, leurs habitations ou leur lieu de travail et envoyés en prison pour "séjour irrégulier". Ils peuvent aussi être abandonnés dans le désert, à la frontière avec l’Algérie ou la Libye. Un Guinéen confiait la semaine dernière à InfoMigrants que "la Tunisie était devenue plus dangereuse que la Libye pour les Subsahariens".

Mais en Libye aussi, la vie est difficile. Ce pays ne connaît pas les droits de l’Homme, il n’y a aucun respect pour les personnes noires. Nous sommes considérés comme des animaux.

Lorsque je suis embauché quelques heures pour un emploi dans le bâtiment ou dans les champs, parfois les patrons ne me payent pas. À la fin de la journée, il t’ordonne de quitter les lieux et si tu réclames de l’argent pour le travail effectué, il te menace avec une arme.

Quand on est rémunéré, on touche entre 50 et 100 dinars par jour [entre 8 et 15 euros, ndlr]. On prend un petit peu de cet argent pour se nourrir et le reste on le met de côté pour payer la traversée.

"Les Libyens ont tiré en l’air" pour intercepter le canot de migrants

J’ai déjà essayé une fois de monter dans un canot. Le mois dernier, j’ai pris place dans un bateau de 10 mètres avec 82 personnes à son bord. Le passeur nous avait dit qu’on serait 75 mais au dernier moment, d’autres passagers sont arrivés. On a dû faire avec. De toute façon, on ne peut pas se plaindre quand on est au bord de l’eau. Les passeurs sont armés. (...)

Vraiment la Libye, c’est un calvaire. Il n’y a pas de règles ici, c’est la jungle !

Heureusement, je ne suis resté que 10 jours dans cette prison car des amis ont rassemblé la somme demandée pour ma libération. Maintenant, je travaille pour les rembourser.

En étant enfermé à peine deux semaines, j’ai ressenti les séquelles de la prison sur mon corps. J’avais mal partout car on dort par terre, sur le ciment... On n’a même pas de nattes ou de couvertures. Le froid frappe ton corps. Et puis, rester toute la journée dans une cellule sans rien faire, ça joue sur ton moral. Tu ne fais que réfléchir à la manière dont tu peux sortir d’ici.

Chaque matin, je me réveille en pensant à mon rêve qui est d’entrer en Europe. C’est cela qui me donne la force de me battre. Je ne peux pas baisser les bras après tout ce que j’ai enduré. Je n’ai pas fait tout ça pour revenir en arrière. (...)