
Il n’avait encore jamais touché les bovins, et n’infectait plus les humains depuis quelques années. Le virus H5N1 de la grippe aviaire, jusque-là contenu chez les oiseaux et, dans une moindre mesure chez certains mammifères, a réussi à s’accrocher, aux États-Unis, à l’espèce humaine. Ces derniers mois, 70 personnes y ont été infectées par ce virus qui depuis un an se propage dans les élevages de volailles et – fait nouveau pour le H5N1 – dans les élevages laitiers.
Chez les vaches, il entraîne baisse de la production laitière et de la natalité. Chez les humains, conjonctivite, problèmes respiratoires, et risque de pneumonie. En janvier, en Louisiane, la grippe aviaire a même entraîné la mort : une dame de 65 ans qui s’occupait d’oiseaux malades en est décédée.
C’est dans ce contexte, où tous les éléments sont réunis pour une nouvelle pandémie, que l’administration Trump arrivant au pouvoir a cessé brutalement d’actualiser les informations épidémiologiques et les études scientifiques sur le site de l’agence de gestion sanitaire CDC (Centre de contrôle et de prévention des maladies).
Pendant une dizaine de jours, c’est le flou, des données épidémiologiques et des recommandations disparaissent de son site Internet, avant de réapparaître, de manière chaotique.
Une situation problématique, y compris pour ce côté-ci de l’Atlantique. « Ce sont des informations importantes pour nous, souligne Gilles Salvat, directeur général délégué du pôle recherche et références à l’Anses. Elles permettent une meilleure surveillance et une meilleure prévention. La transparence des données est la base de la gestion sanitaire internationale. » Or c’est précisément pendant cette période qu’une nouvelle souche du virus H5N1 est apparue chez les bovins. « Cette deuxième souche est passée des oiseaux aux bovins à deux reprises, et elle est à l’origine de cas humains plus graves que les précédents. »
Le 24 février, une trentaine d’ONG états-uniennes se sont alarmées de cette gestion de l’épizootie et ont demandé au directeur du CDC de « rapidement rendre public toutes les informations disponibles sur l’émergence, à l’échelle du pays, de l’influenza aviaire hautement pathogène et la réponse de l’administration ». Des informations « vitales » pour que « les Américains soient capables de se protéger contre la menace grandissante posée par ce virus ».
Lenteur de la réaction
Ce qui a été mis en place depuis l’an dernier par les autorités sanitaires pose également question : les volailles ne sont pas soumises à la vaccination – qui entraînerait une chute des exportations d’œufs –, les tests côté bovins se font uniquement sur le lait, et non sur les animaux, et la mise au point d’un vaccin pour les vaches a énormément tardé. C’est en tout cas ce que déplorent plusieurs expert·es cités dans le New York Times.
La lenteur de la réaction a été telle que l’épizootie a infecté deux fois certains élevages, au printemps 2024, puis à l’automne. Tout au long de la période, la vente d’animaux a continué librement. (...)
Avec un Donald Trump qui a annoncé le retrait des États-Unis de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé), la situation sanitaire créée par cette épizootie est pour le moins inquiétante. À cela s’ajoutent les licenciements massifs dans la fonction publique, auxquels le département de l’agriculture (USDA, équivalent du ministère chez nous) n’a pas échappé : 5 600 contractuels ont été licenciés d’un coup à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump.
Selon une décision de l’agence de protection des employés fédéraux, le MSPB, rendue mercredi, l’ensemble de ce personnel doit être réintégré dans les six semaines, mais l’heure est au chaos dans l’administration états-unienne. Le 18 février, le département de l’agriculture reconnaissait lui-même avoir « accidentellement » licencié des employés chargés de la grippe aviaire, et annoncé qu’il travaillait à « rectifier la situation ». Au total, ce sont un quart des effectifs des services vétérinaires qui sont partis. (...)
l’inconnue demeure sur l’évolution de cette épizootie : deviendra-t-elle une épidémie en circulant de façon automne au sein de la population humaine ? (...)