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le vent se lève
La Grèce en route vers la semaine de quarante-huit heures
#Grece #travail #liberalisme #UE
Article mis en ligne le 28 août 2024

En Grèce, une nouvelle disposition légalise la semaine de travail de six jours, pour les entreprises ouvertes « 24 heures sur 24 ». Soit un blanc-seing pour imposer une semaine de quarante-huit heures. Si cette loi n’est censée s’appliquer qu’à certains secteurs spécifiques, il ne fait aucun doute qu’elle pèsera sur l’ensemble des branches. Une réforme qui constitue un recul majeur des droits des travailleurs, au regard de l’histoire ouvrière européenne. Et qui pourrait constituer un dangereux précédent. Par David Moscrop, traduction Albane le Cabec [1].

Les employeurs grecs pourront désormais contraindre leurs salariés à travailler un sixième jour, moyennant un coût : une prime salariale de 40 %. La logique est similaire à celle des heures supplémentaires, à une différence près, et de taille : il ne s’agit pas d’un complément qui rémunère un travail facultatif, effectué en dehors des heures normales. (...)

À l’origine de cette loi, une configuration familière : un gouvernement de droite constitué de fondamentalistes du marché, une population vieillissante, l’inquiétude d’un État quant à sa capacité à produire suffisamment pour limiter son déficit, les effets persistants de la crise de la dette, etc. Si ces facteurs sont bien connus, cette mesure se démarque pourtant. Hormis certains réfractaires, États-Unis et Corée du Sud en tête, les pays gouvernés à droite ne sont pas revenus sur la limite de cinq jours. (...)

Les chaînes de l’Union européenne

Dans une série de discours solennels, le gouvernement grec a rappelé les problèmes économiques auxquels est confronté le pays – et justifié cette mesure par des pressions exogènes, notamment un déficit important. Un point que peu de monde contestera. Il n’est pas faux d’écrire que cette politique brutale est l’une des seules options laissées aux Grecs, sous la pression du cadre européen. Libre-échange qui lamine leur base productive, déficit chronique qui accroît leur endettement, absence de contrôle sur leur politique monétaire… comment s’étonner que les travailleurs en fassent les frais ? Incapable de procéder à des ajustements sur les frontières douanières, les titres de dette ou les taux d’intérêts, c’est sur le droit du travail qu’il les fait peser.

Si Colonescu admet que la semaine de six jours pourrait constituer « une solution de court terme » pour améliorer la situation des Grecs dans un tel environnement – du fait notamment de l’accroissement des investissements étrangers qu’elle pourrait générer -, il rappelle qu’elle ne constitue qu’une solution à courte vue. (...)

Yanis Varoufakis, rappelait récemment combien les élites européennes ont contribué au marasme grec. L’intransigeance des institutions européennes a accouché d’une série de réformes visant, depuis 2010, à démanteler droit du travail et protections sociales. Si la Grèce a cessé d’être au centre de l’attention médiatique – comme elle avait pu l’être sous le gouvernement éphémère d’Alexis Tsipras -, sa situation n’a cessé d’empirer. Cette ultime réforme n’est que le dernier avatar d’une mise en coupe réglée de tout un pays. L’avenir dira si elle était destinée à faire date, et inspirer une série d’attaques contre les limites de travail hebdomadaires sur l’ensemble du continent.