
Pouponnière de plusieurs personnalités d’extrême droite et d’élus locaux, critiqué pour son penchant de droite conservatrice, l’Institut catholique d’études supérieures (Ices) de La-Roche-sur-Yon est pourtant largement financé par les collectivités locales vendéennes.
Tout ce qui compose le gratin politique vendéen est rassemblé entre quelques murs de béton fraîchement érigés. Le 12 avril, Bruno Retailleau, le président du groupe Les Républicains (LR) au Sénat, Alain Lebœuf, le président du conseil départemental de Vendée, et plusieurs représentants de l’agglomération se sont donné rendez-vous dans le futur bâtiment de l’Institut catholique d’études supérieures (Ices) – toujours en chantier – pour inaugurer et assister à la bénédiction de ces 5 000 nouveaux mètres carrés d’extension du campus de l’école catholique de La Roche-sur-Yon (Vendée), baptisée « Saint Jean-Paul II ». (...)
Les chèques ont immédiatement fait bondir les élu·es de gauche de tous les conseils cités, car « l’Ices n’est pas une école comme les autres », déplore Franck Nicolon, conseiller régional écologiste des Pays de la Loire. Créé par l’évêque de Luçon (Vendée) en 1990, sous l’impulsion de Philippe de Villiers alors président du conseil départemental de Vendée (1988-2010), l’institut « s’est démarqué par son positionnement politique réactionnaire assumé », selon François Poupet, secrétaire de la CGT des établissements supérieurs et de recherche de Nantes (Loire-Atlantique), qui suit ce dossier de près.
L’objectif, pour la majorité de droite au conseil régional, est de « contribuer à l’élévation du taux de poursuite dans l’enseignement supérieur des bacheliers vendéens », explique quant à lui Franck Louvrier, conseiller régional LR. Le conseil régional des Pays de la Loire fait partie des plus généreux vis-à-vis des lycées relevant de l’enseignement catholique, comme le révèle le décompte de Mediapart. (...)
Dans le même temps, pourtant, les syndicats dénoncent la situation du campus public de la même ville. Lutte ouvrière pointait en 2020 la difficulté de « l’université de Nantes à doter correctement le campus de La Roche-sur-Yon : locaux trop étroits, personnels réduits, projets pédagogiques insuffisamment dotés… » En 2015, par exemple, le conseil départemental aidait à hauteur de 580 000 euros le campus public, tandis que la dotation de fonctionnement de l’Ices était fixée à 2 millions d’euros.
Un soutien historique
Les sommes débloquées par les pouvoirs publics pour soutenir les projets immobiliers de l’établissement sont presque anecdotiques comparées au soutien public annuel accordé à l’Ices au titre de son fonctionnement.
Selon le décompte de Mediapart, près de 3 millions d’euros sont alloués annuellement à l’institut. (...)
« Nous souhaitons ramener ce taux [de financements publics dans le budget de l’établissement] entre 20 et 25 %, ce qui se pratique actuellement pour le privé », expliquait en 2019 le directeur de l’Ices à Ouest-France, comme un aveu du traitement généreux dont l’établissement bénéficie. L’Ices défend tout de même ce coup de pouce non négligeable sur fonds publics, arguant qu’il s’explique par « la participation de l’établissement au service public de l’enseignement supérieur ».
Dans un rapport publié en 2015, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) faisait le même décompte. La part de l’État dans le fonctionnement de l’établissement se portait à hauteur de 300 000 euros cette année-là. (...) (...)
Et depuis, donc, justifiée par l’augmentation du nombre d’étudiant·es, l’aide des collectivités territoriales a été augmentée. « C’est un cercle vicieux, puisque les collectivités financent désormais l’augmentation de la capacité de l’institut et seront menées à aider encore davantage financièrement cette augmentation d’effectif dans les années à venir », critique Stéphane Ibarra, conseiller régional PS des Pays de la Loire.
Un soutien public qui gêne d’autant plus l’élu que l’institut serait « connu comme un bastion de la droite réactionnaire et parfois même de l’extrême droite ». La direction s’en défend (...)
» Mais la réputation de l’Ices lui colle à la peau et les faits sont têtus.
Théories royalistes et Action française
« C’est une fac relativement tranquille niveau antifas et gauche. On se sentait particulièrement tranquilles », confirme Stanislas Rigault lors d’une interview accordée à un média étudiant de l’Ices. Le « on » fait référence aux militants de sa famille politique, l’extrême droite, puisque Stanislas Rigault est aujourd’hui porte-parole de Génération Z, la branche jeunesse du parti d’Éric Zemmour. Ambroise Savatier, un autre proche de l’ancien polémiste, est aussi passé par l’Ices, de 2010 à 2013, avant de rejoindre l’équipe du centre de formation politique créé par Marion Maréchal-Le Pen.
En mars 2024, au moment des débats sur la constitutionnalisation du recours à l’IVG, la statue de Simone Veil, trônant dans le centre-ville de La Roche-sur-Yon, a été souillée à la peinture. Au pied du buste, les militants de l’Action française – qui ont revendiqué l’acte – avaient laissé une mare de sang, des poupées étalées sur le sol, et une annotation : « La Constitution tue nos enfants. » Pour cette affaire, huit militants du groupe royaliste devaient être jugés le 29 août, parmi lesquels quatre étudiant·es de l’Ices, comme a pu l’identifier Mediapart. Ils sont tous présumés innocents, le procès ayant été renvoyé en décembre. (...)
Quand Philippe de Villiers lui-même refait le film de la création de cet institut, dans une interview diffusée il y a trois ans, l’ancien président du département de la Vendée, grand défenseur de la Manif pour tous et actuel adepte des plateaux de la chaîne CNews, évoque « une école de civilisation », que les étudiant·es auraient pour mission de « sauver ». Un institut en opposition à « l’effondrement intellectuel de l’université française » représenté, selon lui, par « le militantisme décolonial, l’intersectionnalité et le féminisme ».
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