
La cour d’appel de Paris examine mardi 22 octobre deux questions prioritaires de constitutionnalité dans l’affaire du chlordécone. Une étape qui pourrait relancer la procédure judiciaire autour de ce désastre sans précédent.
La contamination au chlordécone de la Martinique et de la Guadeloupe, depuis l’utilisation de l’insecticide entre 1972 et 1993, ne doit-elle pas être qualifiée par la justice d’empoisonnement ? Ne faut-il pas revoir le délai des dix ans au-delà duquel ce type de crime est pour l’instant prescrit ?
C’est avec ces interrogations que les parties civiles dans l’affaire du chlordécone saisissent mardi 22 octobre la cour d’appel de Paris sur deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). L’une, rédigée par le bâtonnier Georges-Emmanuel Germany, vise à juger l’État au pénal – une procédure actuellement impossible hors de la Cour pénale internationale (CPI). L’autre, rédigée par l’avocat Christophe Lèguevaques, soulève le sujet de l’intentionnalité dans l’histoire de cette contamination massive.
Cette étape des QPC, dans le cadre de la procédure en appel du non-lieu rendu en janvier 2023, oblige la cour à examiner préalablement la constitutionnalité de jurisprudences utilisées jusque-là, avant le jugement de l’affaire au fond.
Ce qui est en jeu ici, après une instruction qui a déjà duré dix-sept ans, n’est pas anecdotique et ne se résume pas à une discussion juridique. Car si la question posée sur l’intentionnalité est acceptée – et renvoyée, selon la procédure, à la Cour de cassation puis au Conseil constitutionnel –, cela permettrait de sauver la procédure judiciaire de l’affaire du chlordécone. Et les conséquences peuvent être colossales : cela ouvrirait, potentiellement, une voie juridique pour le jugement d’autres écocides et désastres liés aux pesticides. (...)
L’audience, qui n’est pas publique, devrait aboutir à une réponse dans les prochains jours ou les prochaines semaines. On saura alors si la procédure reprendra avec la possibilité de juger, ou non, un empoisonnement.
Quant à l’autre procédure en cours du scandale chlordécone – celle ayant saisi la justice administrative –, elle se poursuit également. En juin 2022, le tribunal administratif de Paris a reconnu la responsabilité de l’État et des « négligences fautives » en réponse à la plainte d’un ensemble de plus de 1 200 personnes. Ces dernières ont fait appel. En jeu : des indemnisations pour préjudice moral.
Lire aussi :
– Malcom Ferdinand : « Le chlordécone est un traceur de l’habiter colonial »
(...) C’est un nouveau chapitre dans la longue procédure judiciaire autour de la contamination au chlordécone des Antilles. Mardi 22 octobre, la cour d’appel de Paris examine une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dans la procédure d’appel après le non-lieu prononcé en janvier 2023. Trois jours plus tard paraît au Seuil S’aimer la Terre. Défaire l’habiter colonial, du chercheur Malcom Ferdinand, partie civile dans le procès.
Un événement dans le paysage éditorial français, où personne jusqu’ici n’a pris à ce point à bras-le-corps les multiples dimensions du scandale du chlordécone. Un désastre sanitaire, social, écologique… et colonial, qui touche aujourd’hui 90 % du peuple antillais et l’ensemble des écosystèmes de Martinique et de Guadeloupe. Et que Malcom Ferdinand s’attache à le décortiquer depuis quinze ans. Entretien. (...)