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le Café Pédagogique/Laurence de Cock
L’intérêt des élèves ?
#educationNationale #ecolepublique #ChocDesSavoirs #cafepedagogique #enseignement
Article mis en ligne le 29 mai 2024
dernière modification le 27 mai 2024

L’intérêt des élèves. Formule « magique » souvent utilisée par l’institution, l’Éducation nationale, pour passer faire passer la pilule quand les enseignants et enseignantes s’indignent de ses propositions. « S’opposer ou résister serait porter atteinte à l’ »intérêt des élèves » » écrit Laurence De Cock. « L’image fait mouche, elle active une culpabilité immédiate ; qu’y aurait-il de pire en effet pour un enseignant que d’aller à l’encontre de l’ »intérêt des élèves » ? ». L’historienne y consacre sa tribune.

En ce moment, l’Inspection réunit les enseignant·es de lettres et mathématiques. Depuis le Covid qui a révélé la magie du distanciel, « réunir » signifie envoyer un lien pour se connecter en ligne et se donner ainsi la possibilité d’un long monologue en coupant les micros des participant·es.

Il s’agit de leur expliquer la réforme du « choc des savoirs ». C’est une tradition de la maison, la réforme doit « descendre » vers le terrain par le biais du corps d’inspection. Un simulacre de plus en plus hors-sol quand on sait que, souvent, le terrain en question est autant voire mieux informé de l’esprit et du contenu des réformes, lesquelles ont largement fuité dans les médias et ont été commentées et disséquées sur les réseaux sociaux ou dans les différents collectifs et syndicats. Mais le simulacre a une fonction, maintenir la chaîne de commandement et désamorcer d’éventuelles colères. Pardon, « donner du sens » à la réforme, c’est comme cela qu’on dit désormais.

Car ces moments ne sont pas dénués d’intérêt une fois qu’on a pris sur soi son assignation au silence derrière l’écran, ils donnent à voir le déploiement du Nouveau management public dans l’Éducation nationale et il faut avouer que c’est parfois fascinant. (...)

Toutes les réformes, toutes les décisions descendantes et non concertées sont justifiées par « l’intérêt des élèves ». Son usage confine à l’absurde, au vide. (...)

s’opposer ou résister serait porter atteinte à « l’intérêt des élèves ». (...)

C’est ainsi que l’on réduit au silence les plus récalcitrants. Et c’est ce que l’on apprend dans les cours de management bienveillant.

Renverser la culpabilité (...)

J’ai déjà été amenée à dire combien le « choc des savoirs » est la réforme la plus délétère de ces dernières décennies, à détailler la maltraitance qu’elle prépare pour des enfants désormais programmés pour être séparés. Par des évaluations standardisées qui nient la singularité des rythmes d’apprentissage des enfants, par des programmes indigestes transmis sur le mode du gavage d’oies, par l’entraînement à la concurrence, la compétition et l’intériorisation précoce d’une loi de la jungle pilotée par des algorithmes qui décident des bifurcations de vie. Un « choc des savoirs » qui n’est que le pendant scolaire d’un dénigrement et d’un mépris beaucoup plus larges pour une jeunesse qui fait peur, qu’il faut civiliser et redresser comme le montrent les prises de parole de plus en plus autoritaires du Premier ministre. L’enfance est confisquée et la jeunesse sacrifiée sur l’autel de la compétition électoraliste avec l’extrême droite en lui piquant ses idées.

Honte à celles et ceux qui cautionnent ce projet en prétendant rester du côté des enfants. Et force aux autres qui se mobilisent vraiment dans « l’intérêt des élèves », qui résistent à cette lame de fond et ont de quoi en tirer une énorme fierté.