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CADTM/ Eric Toussaint
L’expérience interrompue de la Banque du Sud en Amérique latine et ce qui aurait pu être mis en place comme politiques alternatives au niveau du continent
#banques #banquedusud #CADTM
Article mis en ligne le 14 mai 2024

J’ai été impliqué dans le lancement d’une Banque du Sud en 2007-2008 alors que j’étais invité par Ricardo Patiño, le ministre de l’économie et des finances du gouvernement du président équatorien Rafael Correa, et avec des économistes argentins et équatoriens à collaborer à la définition de la position de l’Équateur en la matière. Je l’ai fait avec conviction et sans rémunération. En avril 2007, à Quito, nous avons rédigé une proposition de position de l’Équateur pour les statuts, le modèle de fonctionnement et les objectifs de la future Banque du Sud. Ce projet a finalement été validé par Rafael Correa. En comparaison avec les autres pays concernés, l’Équateur a défendu la version la plus avancée et la plus cohérente au regard de l’objectif d’une intégration continentale répondant aux besoins des peuples. Les autres gouvernements défendaient des positions plus traditionnelles. En décembre 2007, les négociations entre les gouvernements de plusieurs pays d’Amérique latine ont abouti à la signature de l’Acte fondateur de la Banque du Sud à Buenos Aires. Cet acte a été signé par le président brésilien Lula, le président argentin Néstor Kirchner, le président bolivien Evo Morales, le président vénézuélien Hugo Chávez et le président paraguayen Nicanor Duarte Fruto. Mais en fin de compte, la Banque du Sud n’a pas fonctionné. Aucun crédit n’a été accordé au cours des quinze années qui ont suivi sa création.

(...) L’Amérique latine avait besoin d’une alternative à l’offensive américaine et aux politiques néolibérales du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, ainsi qu’à des organisations telles que la Banque interaméricaine de développement, basée à Washington et également dominée par les États-Unis.

Pourquoi cela n’a-t-il pas bien fonctionné ? (...)

La position du Brésil en tant que première puissance économique d’Amérique latine a largement contribué au problème (...)

Le gouvernement de Lula a participé à la négociation concernant la création de la Banque du Sud. Cependant, le Brésil dispose d’une banque de développement appelée Banque nationale de développement économique et social (BNDES). Cette banque accorde des crédits aux grandes entreprises brésiliennes telles qu’Odebrecht, Vale do Rio Doce, Petrobras, etc. afin de leur permettre d’augmenter et de renforcer leurs activités à l’étranger [5]. Le Brésil a entamé des négociations avec la Banque du Sud d’une manière qui a paralysé les négociations, considérant cette banque comme concurrente de sa propre BNDES.
Cela a entravé le démarrage effectif de la Banque du Sud.

Pourquoi la tentative de créer une banque du Sud était-elle importante ? (...)

Les peuples du Sud global ont besoin d’un réseau de banques du Sud qui fonctionne de manière transparente et démocratique, avec la règle « un pays, une voix » pour financer des projets d’intégration des peuples. Par exemple, une Banque du Sud pourrait en aider au financement d’un vaste projet de reconnexion ou connexion/complémentarité des réseaux ferroviaires à travers le continent latino-américain au lieu du développement exclusif des axes routiers et des voies aériennes. Une banque du Sud pourrait contribuer à financer, la mise sur pied d’une industrie pharmaceutique pour la production de médicaments génériques, y compris avec des accords avec les services de santé et les laboratoires cubains qui font un travail remarquable. Si cela s’était produit, l’Amérique latine aurait pu affronter la pandémie de coronavirus d’une manière beaucoup plus efficace que ce qui s’est passé entre 2020 et 2022, des centaines de milliers de vies auraient été épargnées. Du point de vue économique, l’Amérique du sud se trouverait dans une situation très différente de la situation actuelle, où l’on assiste à un processus de re-primarisation de ses activités, c’est-à-dire à une désindustrialisation relative et à une plus grande dépendance des économies latino-américaines à l’égard de l’exportation de matières premières. (...)