
Depuis plusieurs mois ressurgit dans la bouche de nombreux politiques au pouvoir (ou cherchant à l’être), la critique de l’écologie qui serait « punitive » voire « brutale », « moralisatrice », « sectaire » ou encore « totalitaire ». À quelques semaines des élections européennes, cruciales pour le climat, retour sur une stratégie de diabolisation qui cache une absence totale d’ambition climatique, alors que la planète vient de connaître les 12 mois d’affilée les plus chauds jamais enregistrés.
Écologie punitive ou inaction punitive ?
Le 30 janvier dernier, lors de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a vanté sa vision d’une écologie « populaire » et « à la française » pour répondre explicitement à l’« écologie punitive » faite de normes et de contraintes rimant « avec nécessité plus qu’avec réalité ». Il reprenait les mots d’E. Macron en septembre 2023 qui souhaitait « encourager nos compatriotes, sans interdiction, mais en les incitant à changer plus vite ».
En quelques mots, Gabriel Attal, dans la lignée de la doctrine présidentielle, a résumé sa vision de l’écologie et ouvert la porte aux renoncements successifs constatés dans les semaines qui ont suivi : rabotage du budget pour la rénovation énergétique, fin de l’offre de leasing de voitures électriques pour les classes populaires, cadeaux aux lobbys agroindustriels en supprimant des normes environnementales arrachées de haute lutte, renvoi aux calendes grecques de la stratégie nationale bas carbone et de la loi énergie climat visant à rehausser les objectifs climatiques de la France, refus de statuer sur les objectifs de développement des énergies renouvelables, etc. (...)
Derrière une prétendue « écologie punitive », un manque de courage politique
Selon le gouvernement, une écologie « punitive » serait donc une écologie qui impose des normes et des contraintes, que la population ne serait pas prête à accepter, et il faudrait donc y aller en douceur, de façon incitative, par « petits gestes » et « petits pas ». Or les politiques publiques ont bien vocation à être normatives et à fixer des règles. C’est ce qui permet les changements et les évolutions. Le rôle des gouvernants est de mettre en œuvre des législations pour assurer le bon fonctionnement de la société et protéger la population. Les scientifiques du GIEC sont unanimes : sans réduction drastique de nos émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs – transports, logement, agriculture, industries – il n’y a aucune chance de rester sous la barre d’augmentation des températures de 1,5 °C fixée par l’accord de Paris. Pour y arriver, des investissements énormes doivent être mis sur la table à la fois pour décarboner ces secteurs et s’assurer d’une transition juste pour toutes les catégories qui n’ont pas les moyens de faire évoluer leur mode de vie. Les petits pas ne sont plus de mise. Ils l’auraient été il y a 50 ans quand les premières alertes ont été données mais, aujourd’hui, ce sont des transformations radicales qui doivent être menées, portées et accompagnées par la puissance publique. (...)
Imposer des contraintes implique aussi de s’assurer de leur acceptabilité en proposant des infrastructures adaptées et en apportant des compensations aux catégories qui seraient affectées. Hélas, plutôt que de montrer du courage politique pour porter un programme de transition désirable, ambitieux et réellement réaliste face aux défis immenses à relever, le gouvernement prête le flan aux arguments populistes et s’entête à protéger les lobbys du secteur privé, des énergies fossiles ou de l’agribusiness, qui souhaitent conserver leurs profits et leur rentabilité au détriment de l’intérêt général.
Au-delà de ce manque de courage, c’est aussi rester aveugle aux attentes de la population qui, sondage après sondage, indique vouloir en faire plus pour la transition écologique, à condition d’être accompagnée pour le faire et que les premiers responsables, à savoir les entreprises, l’État et les catégories les plus riches (qui ont la plus forte empreinte carbone), fassent en premier des efforts. (...)
En s’attaquant à l’écologie plutôt qu’aux inégalités, le gouvernement fait le jeu de l’extrême droite
L’autre argument invoqué depuis des mois est la nécessité de répondre à la montée de l’extrême droite dans les sondages. Or, ce ne sont pas les normes environnementales et les appels désespérés à l’action des scientifiques qui nourrissent les ressentiments et les craintes, mais bien le mépris et l’arrogance que le gouvernement et le Président n’ont cessé d’afficher à travers leurs politiques ces dernières années. Accroissement des inégalités, absence de soutien financier face à l’inflation, craintes sur le pouvoir d’achat, absence de volonté de taxer les plus riches et les plus pollueurs, mépris de l’opinion majoritaire sur la réforme des retraites… (...)
La vision de l’écologie par l’extrême droite à rebours des réalités (...)
les différents partis politiques d’extrême droite, en France et en Europe, constituent une réelle menace pour l’écologie et la justice sociale.
Le RN, tout comme ses alliés de l’AfD en Allemagne, du Fidesz en Hongrie ou du Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, défendent de manière complètement décomplexée un projet de société xénophobe, rétrograde et fondé sur le repli sur soi et l’atteinte aux droits humains, discriminant et qui menace nos libertés. Le détricotage des acquis du Pacte vert qui est déjà amorcé suite à la crise du monde agricole serait encore plus menacé par la montée, annoncée par les sondages, du nombre de sièges des partis d’extrême droite au Parlement européen, qui votent systématiquement contre le climat et la transition écologique et juste.
En France, le RN est donné en tête selon les derniers sondages, crédité de 27 % des voix. Or le RN a des positions particulièrement régressives sur les questions environnementales et sociales et lourdes de menaces pour les libertés fondamentales (...)
Dans le contexte actuel de remise en cause des avancées environnementales obtenues, de montée des discours climatosceptiques et anti-écologiques, ces élections ont donc un rôle majeur pour protéger la population européenne face aux crises à venir et contribuer à améliorer nos modes de vie, à protéger notre environnement et notre santé. Il est donc crucial de se mobiliser à ces élections pour préserver le maximum de chances que voie le jour un agenda environnemental ambitieux et socialement juste pour les prochaines années.