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L’écologie, bouc émissaire de la colère agricole
#agriculture #ecologie #inegalites
Article mis en ligne le 29 janvier 2024
dernière modification le 28 janvier 2024

Parmi les griefs des agriculteurs en colère, les « contraintes environnementales » sont montrées du doigt. Et si l’écologie n’était qu’un bouc émissaire, afin de ne pas s’attaquer aux réelles causes de la détresse agricole ?

C’est la goutte de pétrole qui a fait déborder le vase. Depuis deux mois, les agriculteurs sont vent debout contre la fin de l’avantage fiscal sur le gazole utilisé pour leurs engins. Entre temps, manifestations et blocages se sont multipliés et la liste des revendications s’est allongée. « Il y a un ras-le-bol général », expliquait Arnaud Gaillot, président des Jeunes agriculteurs sur France 2. Parmi les griefs, « les contraintes environnementales » sont régulièrement pointées du doigt.

Résultat, des institutions liées aux politiques écologiques ont été prises pour cible lors des mobilisations : explosion à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) à Carcassonne, dépôt de fumier et de pneus devant l’Agence de l’eau à Toulouse... « Les agriculteurs s’en prennent aux symboles de l’État, ils ont aussi bloqué des Directions départementales des territoires, observe la députée insoumise de la Seine-Saint-Denis et ingénieure agronome Aurélie Trouvé. C’est normal : on leur impose des normes sans les protéger. »

Pour tous les militants écolos et paysans que nous avons interrogés, pas besoin de tourner autour de l’abreuvoir : la cause principale de la détresse agricole n’est pas la transition écologique, mais bien le manque de revenus. (...)

À l’automne dernier, le gouvernement a ainsi refusé de financer l’agroécologie et il a balayé les
600 millions d’euros d’aides supplémentaires demandées en soutien à l’agriculture bio. (...)

Le même constat, pas la même analyse

En clair, écolos et agriculteurs en colère dressent le même constat d’un mal-être social et économique… mais n’en tirent pas la même analyse. (...)

fossé grandissant entre les agriculteurs mobilisés et les directions nationales des syndicats agricoles majoritaires : « Ce que les agriculteurs dénoncent, ce sont les conséquences des politiques des gouvernements successifs, auxquels la FNSEA a toujours été associée. » Un avis partagé par Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne : « Il y a un détournement par les responsables syndicaux de la FNSEA, des JA et de la Coordination rurale des véritables raisons de nos difficultés, souligne-t-elle. Pour ne pas remettre en cause le système économique productiviste et ultralibéral défendu par ces syndicats, ils ont cherché d’autres responsables. » L’écologie a ainsi fait figure de parfait bouc émissaire. (...)

« une partie du monde agricole se retrouve dans une fuite en avant, avec des solutions technicistes, néolibérales et de court terme », tranche Benoît Biteau, citant l’exemple des mégabassines. Autant de « fausses solutions », selon lui, qui ne feront qu’accentuer le problème. (...)

La Confédération paysanne pousse ainsi pour que l’exécutif s’attaque « aux réelles causes du problème : la mise en concurrence des agriculteurs les uns contre les autres ». (...)

Pour apaiser la colère du monde agricole, le syndicat minoritaire a donc ses solutions. « Le gouvernement doit stopper les négociations sur les accords de libre échange et revenir sur ceux signés précédemment, détaille Laurence Marandola. Il faut aussi interdire la vente de nos produits en dessous de leur prix de revient. » Même son de cloche au sein du collectif Nourrir : « Améliorer les minima sociaux, les retraites, faciliter les congés et l’accès au logement… tout ça peut sembler éloigné de l’écologie, liste Clotilde Bato, coprésidente du réseau. Pourtant, il faut que le bien-être social soit garanti pour que les agriculteurs puissent prendre ensuite soin du climat et de la terre. »

Plus de régulation, une meilleure rémunération, voire « un salaire minimum garanti »… autant de mesures défendues par les partis de gauche écologistes. (...)

Lire aussi :

 (Reporterre)
Arnaud Rousseau, « pompier pyromane » à la tête de la FNSEA

Le syndicat agricole et son président Arnaud Rousseau se positionnent en tête de pont de la mobilisation des paysans. Mais ce riche patron n’est pas le mieux placé pour défendre les manifestants.

Depuis le 22 janvier, il enchaîne les interventions médiatiques, annonçant actions et revendications, comme s’il donnait le « la » de la révolte. Mais la FNSEA et son patron, dirigeant d’une grosse exploitation de céréales et président du groupe agroalimentaire international Avril, ne sont peut-être pas les mieux placés pour incarner la révolte paysanne.

Historiquement, la FNSEA est l’interlocutrice privilégiée des gouvernements. (...)

Mais les manifestations, parties d’Occitanie, n’ont pas été initiées par les dirigeants nationaux de la FNSEA. Dans les cortèges, les agriculteurs sont de toutes obédiences ou non syndiqués.

« La FNSEA et la Coordination rurale ne maîtrisent plus grand-chose, estime le paysan-agronome Benoît Biteau. Arnaud Rousseau ne sert pas les intérêts de celles et ceux qui manifestent. C’est pour ça qu’ils ont été débordés. En vérité, tout ce que les agriculteurs dénoncent, ce sont les réalisations des gouvernements successifs auxquels la FNSEA est associée depuis longtemps. » (...)

En 2020, une enquête de Mediapart avait révélé que les dirigeants du syndicat se rémunéraient jusqu’à 13 400 euros par mois. Arnaud Rousseau est aussi maire de sa commune, Trocy-en-Multien (Seine-et-Marne), vice-président de la communauté de communes du pays de l’Ourc et vice-président de la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP).
« On ne peut pas défendre les agriculteurs et les industriels en même temps »

Mais surtout, Arnaud Rousseau est président du conseil d’administration du groupe alimentaire Avril. (...) En 2022, Avril a réalisé des profits records, avec un résultat net à 218 millions d’euros (+45 %) et un chiffre d’affaires historique de 9 milliards d’euros (+32 %) (...)

Du groupe Avril, le grand public connaît surtout les marques Isio 4, Lesieur et Puget. Mais il est aussi un poids lourd de l’alimentation animale avec l’entreprise Sanders, le fabricant du biodiesel Diester, via sa filiale Saipol, et une société d’investissement, Sofiprotéol. En tout, le groupe compte 73 sites industriels, dont 55 en France. Présent dans dix-huit pays, Avril indique sur son site que l’international est « un levier majeur » de sa croissance et représente 51 % de son chiffre d’affaires.

Pas sûr que les agriculteurs qui se mobilisent actuellement se retrouvent dans ce profil. (...)