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Mediapart
L’école des gardiens de prison accusée de ne pas agir contre les violences sexuelles
#violencessexuelles #prisons #ENAP #femmes
Article mis en ligne le 16 avril 2024
dernière modification le 15 avril 2024

Visée par des collages l’accusant de protéger des agresseurs, l’École nationale d’administration pénitentiaire déploie beaucoup d’énergie pour faire taire les accusations. Les victimes, elles, regrettent de n’être pas assez protégées. Voire d’être soupçonnées.

ansDans la nuit du 17 au 18 juillet 2023, des affiches sont collées dans les rues d’Agen (Lot-et-Garonne) et à proximité de prisons à Paris, Rouen et Clermont-Ferrand. Signées par le collectif des colleuses féministes Agen47, toutes visent l’Énap, l’École nationale d’administration pénitentiaire. Les mots placardés dénoncent « l’école de l’hypocrisie », « l’école nationale des agresseurs protégés » et la « loi de l’omerta » qui prévaudrait dans l’établissement.

À l’intérieur même du campus, les portes des bâtiments d’hébergement sont recouvertes d’un texte qui évoque des actes « impunis » et des victimes encouragées à « se taire lorsqu’elles ont le courage de parler ». Sur son compte Instagram, le collectif indique avoir mené cette action après avoir reçu « des alertes de témoins de violences sexistes et sexuelles au sein de l’établissement », et accuse l’administration de l’école, qui « ne sensibilise pas ou que très peu sur les VSS [violences sexistes et sexuelles − ndlr], n’agit pas contre les agresseurs et ne soutient pas les personnes agressées ».

Leur cible est plus que symbolique. L’Énap est l’établissement qui forme à tous les métiers de l’administration pénitentiaire (...)

« C’est une vie en vase clos », décrit Charlotte*, une ancienne élève qui dépeint une « ambiance cour de récré, parfois très immature », empreinte de « sexisme ». Et une direction « toujours à côté de la plaque » quand il s’agit de réagir « face aux violences ou aux harcèlements ».

En février et en avril 2023, deux plaintes pour « viol » ont été déposées par des femmes dénonçant des agressions commises dans les dortoirs de l’Énap. Dans les deux cas, elles ont accusé des hommes appartenant à la même promotion qu’elles. Ces femmes ont confié à Mediapart avoir eu le sentiment d’être « abandonnées » par l’école, qui n’aurait pas tenu tous ses engagements, notamment en matière d’éloignement de l’agresseur présumé.

Elles rapportent également des propos peu délicats voire déplacés et culpabilisants tenus à leur égard par des responsables de formation. Deux autres femmes racontent n’avoir pas été protégées par la direction après avoir sollicité son aide. (...)

L’été dernier, le jour de la découverte des collages, la CGT Insertion Probation (CGT-IP) a publié un communiqué pour exiger que « toute la lumière soit faite » sur les faits dénoncés, réclamant « une saisine immédiate de l’inspection générale de la justice ».

La réaction de l’école a été forte et rapide. Mais elle n’a pas visé les auteurs des violences dénoncées. Et pas la moindre inspection n’a été lancée. L’Énap a avant tout cherché à éteindre l’incendie déclenché par l’action féministe, à en identifier les autrices et à faire disparaître les communiqués de la CGT – d’autres ont suivi courant juillet.

Deux plaintes ont été déposées par l’Énap. La première, semblant viser les colleuses, pour « injures et diffamation ». La seconde, visant davantage la CGT (...)

« Au téléphone, le policier m’a dit que j’étais soupçonnée d’avoir participé à l’action féministe parce que j’avais porté plainte l’année où les collages dénonçant des viols ont eu lieu », souffle-t-elle, abasourdie. (...)

Elle est d’autant plus choquée qu’elle n’a en revanche aucune nouvelle des suites judiciaires de sa plainte pour « viol », déposée il y a un an : « C’est injuste, mon affaire n’avance pas, mais moi je suis convoquée par la police ? » (...)

Selon nos informations, une autre femme ayant porté plainte pour des faits survenus à l’Énap vient également d’être convoquée, pour les mêmes raisons. « Cela surajoute de la violence pour ces femmes », commente auprès de Mediapart la CGT-IP, « choquée » par ces convocations.

Le six membres du bureau national de la CGT-IP ont également été convoqués puis entendus par la police dans le cadre de l’enquête pour « diffamation ». (...)

Le site internet de la CGT-IP suspendu (...)

Interpellé par l’avocat de la CGT, OVH prétend que la suspension était uniquement liée à l’absence de mentions légales. Or le site a été réactivé avant même que les mentions légales ne soient ajoutées. (...)

Samantha dit avoir confié son mal-être et sa peur à sa responsable de promotion – qui est comme une professeure principale –, qui lui aurait recommandé « de ne pas faire attention à lui » et aurait ajouté : « Si vous n’êtes pas contente, vous partez. » Elle rapporte un autre souvenir douloureux : « Le jour des examens, j’ai été placée dans une salle toute seule, à l’isolement total. Mon agresseur était avec tous les autres, dans la salle d’à côté. » (...)

. « Elle m’a répété de me reprendre, de ne pas me comporter comme une victime. Que je ne serais pas capable de faire ce métier si je ne me reprenais pas. » (...)

« Elle demandait : “Tu es sûre que tu n’étais pas consentante ? Tu étais habillée comment ? Peut-être qu’au début tu étais d’accord et que tu as changé d’avis ?” » Des propos qui la « poursuivent encore » aujourd’hui. « Les femmes se font agresser mais ce sont elles les coupables », soupire Samantha. (...)

Violences conjugales

Ambiance sexiste et paternaliste

« L’Énap est à l’image de l’administration pénitentiaire et de son ambiance sexiste, patriarcale et paternaliste, commente la CGT-IP. Toutes les promotions et tous les services déconcentrés ont leur lot d’histoires et cela fait des années que nous le dénonçons. » (...)