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Mediapart
L’assassinat du chef politique du Hamas à Téhéran rend la situation au Proche-Orient imprévisible
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza #iran #Liban
Article mis en ligne le 3 août 2024
dernière modification le 2 août 2024

En tuant le chef de la branche politique du Hamas à Téhéran et en visant un commandant important du Hezbollah à Beyrouth, Israël prend le risque d’enflammer toute la région et choisit de fermer la porte aux négociations. Éviter l’embrasement devient de plus en plus difficile.

LesLes assassinats par tir de missiles ne sont pas rares au Proche-Orient. C’est même une région où il est fréquent, quand on est un haut dirigeant d’un mouvement hostile à Israël, de terminer ainsi sa vie.

Il est plus rare, en revanche, de voir, en quelques heures, deux assassinats de personnalités de premier plan doublés d’une provocation à l’égard d’un pays ennemi de l’État hébreu.

La fin du mois de juillet restera donc probablement dans les annales de la région. (...)

Les deux cibles ne revêtent pas la même importance, et l’enchaînement des attaques relève probablement d’une fenêtre d’opportunité. Mais les questions soulevées par ce nouvel épisode et les conséquences possibles sont un pas supplémentaire vers une possible déflagration régionale.
Un premier ministre israélien jusqu’au-boutiste

« L’impression dominante, c’est que Benyamin Nétanyahou est dans une stratégie jusqu’au-boutiste et qu’il fait tout pour déclencher une guerre régionale et pour pousser l’Iran à la faute, s’alarme Agnès Levallois, spécialiste du Proche et Moyen-Orient et vice-présidente de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée et Moyen-Orient (iReMMO). (...)

Ismaïl Haniyeh était un mort en sursis, comme tous les dirigeants du mouvement palestinien, et il le savait. Il avait d’ailleurs échappé à une première tentative d’assassinat, en 2003, à Gaza, sortant de l’immeuble visé quelques secondes avant l’impact.

Son parcours personnel colle à l’histoire du Hamas. Comme l’organisation islamique palestinienne, il est né dans la bande de Gaza, dans le camp de réfugiés de Chati. Il l’a rejointe en 1987, dès sa création, au début de la première Intifada. Il a rapidement gravi les échelons et a connu le sort habituel des Palestiniens luttant contre Israël : prison – trois fois –, déportation vers le Liban en 1992 avec des centaines d’autres membres du Hamas et d’autres factions, retour à Gaza après les accords d’Oslo.

Il est devenu l’assistant du dirigeant historique du mouvement islamique, Ahmed Yassine, après la libération de celui-ci en 1997. Il a pris sa place après l’assassinat de ce dernier en 2004, à la fois à la tête du Hamas et dans la liste des hommes à abattre. (...)

c’est bien lui, Ismaïl Haniyeh, qui était à la manœuvre pour les relations avec les États de la région et les Occidentaux, et pour les négociations sur la libération des otages et de prisonniers palestiniens et un cessez-le-feu.

« Faire disparaître Haniyeh, c’est faire disparaître, pour un moment en tout cas, les négociations, car c’est lui qui était partie prenante des discussions avec les différents services de renseignement qui se réunissent régulièrement pour tenter d’arriver à un cessez-le-feu, reprend Agnès Levallois. Nétanyahou a donc éliminé celui qui relayait les demandes des uns et des autres aux acteurs de terrain qui sont les vrais décisionnaires. Il s’est privé d’un relais indispensable, s’il voulait vraiment négocier. » (...)

L’extrême droite, alliée indispensable de Benyamin Nétanyahou dans sa coalition, exulte. Le ministre israélien du patrimoine Amichay Eliyahu écrit sur X : « C’est la bonne façon de nettoyer le monde de cette saleté. Fini les accords imaginaires de “paix”/de reddition, plus de pitié pour ces mortels. La main de fer qui les frappera est celle qui apportera la paix et un peu de réconfort et renforcera notre capacité à vivre en paix avec ceux qui désirent la paix. La mort de Haniyeh rend le monde un peu meilleur. »

« Ismaïl Haniyeh n’est pas le premier dirigeant du Hamas à être assassiné par Israël. Au contraire, la liste est très longue. Cela n’a pas apporté la sécurité à Israël. Et Israël n’est pas plus en sécurité après l’assassinat de Haniyeh. Au contraire », le contredit Menachem Klein. (...)

Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, ennemi farouche du mouvement islamique, a jugé nécessaire de condamner un « acte lâche » et un « développement dangereux ».

Comme il était attendu, la branche armée du Hamas, les Brigades Al-Qassam, brandit la menace de la vengeance, dans une rhétorique habituelle. Mais leur communiqué, traduit en anglais sur le site d’Al Jazeera, souligne le caractère rare de l’attaque israélienne : « L’assassinat criminel du leader Haniyeh au cœur de la capitale iranienne est un événement important et dangereux qui donne une nouvelle dimension à la bataille et aura des répercussions majeures sur l’ensemble de la région. »

Attaque directe contre l’Iran (...)

L’attaque est une gifle pour les dirigeants de la république islamique. D’une part, c’est un coup porté à l’« axe de la résistance » dont il est le cœur et qui inclut le Hamas, le Hezbollah, les houthis du Yémen, la Syrie et des milices irakiennes. D’autre part, le responsable palestinien était un hôte, qui plus est sous la protection des Gardiens de la révolution, corps d’élite du régime. L’assassinat a eu lieu quelques heures seulement après l’intronisation du nouveau président, Massoud Pezeshkian, et des images circulent de sa rencontre avec Ismaïl Haniyeh. (...)

Prudemment, le secrétaire d’État états-unien, Antony Blinken, a affirmé que les États-Unis n’étaient pas au courant de la frappe contre Haniyeh, et n’étaient donc pas impliqués. Le message est donc : Washington veut éviter une guerre totale.

« Une guerre totale impliquerait les milices irakiennes, le Hezbollah, les houthis, avec une tentative de fermer la mer Rouge à toute circulation maritime, ainsi que des mouvements de troupes au sol. Je ne pense pas qu’on en soit là, juge Ziad Majed, professeur à l’Université américaine de Paris. Mais il y aura une grande confrontation, c’est certain. »