Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
France Inter
Julia Faure : "La mode parle beaucoup d’écologie, mais elle n’a jamais autant pollué"
#mode #vetements #pollution #urgenceclimatique #alternatives
Article mis en ligne le 10 avril 2025
dernière modification le 5 avril 2025

Julia Faure est une cheffe d’entreprise engagée contre la fast-fashion. En avril 2013, elle est marquée par l’effondrement de l’immeuble du Rana Plaza, qui a fait plus de 1 000 morts au Bangladesh, une catastrophe qui vient ainsi confirmer l’aberration de ce modèle de production textile.

Née le 13 mars 1988 à Schiltigheim, Julia Faure a passé son enfance entre Marbache et Nancy. Diplômée d’AgroParisTech en 2012, elle travaille chez Amazon en Espagne pendant deux ans, dans les jeunes années de l’entreprise, elle perçoit rapidement les limites de ses missions et des valeurs d’Amazon. C’est à son retour en France, en 2017, qu’elle rencontre le cofondateur de la marque Loom, une marque de vêtements éthique qui vise à limiter l’achat et à produire des vêtements qui durent dans le temps.

En 2021, elle lance En mode climat, un collectif qui rassemble aujourd’hui 600 professionnels du secteur autour de l’ambition d’une production vertueuse et relocalisée de la filière. En mode climat s’appuie sur les objectifs des Accords de Paris et cherche à mettre en place les éléments dans le secteur du textile pour y parvenir. En 2023, elle est élue co-présidente du Mouvement Impact France, qui propose une alternative aux organisations patronales traditionnelles (syndicat patronal émergeant et alternatif avec Pascal Demurger, PDG du groupe MAIF).

Le premier maître mot de cette démarche est la sobriété. L’ambition est de consommer moins de vêtements, mais la question n’est pas seulement individuelle. Il faut pour cela également légiférer pour faire en sorte que l’industrie textile prenne à bras le corps la lutte contre le réchauffement climatique.

Fast fashion : un modèle aux effets délétères

Julia Faure dresse un constat sans appel sur les dérives de la fast fashion, ce modèle économique qui consiste à produire massivement, très vite et à très bas coût. Sur le plan environnemental, elle rappelle que "l’industrie textile n’a jamais réduit son impact écologique. Chaque année, elle pollue un peu plus." Les vêtements sont, dans leur majorité, fabriqués dans des pays où les normes environnementales sont faibles : "On va fabriquer là où c’est le moins cher, donc c’est aussi là où ça pollue le plus." Les eaux usées de teinture ne sont souvent pas traitées, et les matières utilisées – comme le polyester – sont issues de la pétrochimie.

À cela s’ajoutent des conditions de travail dégradées. Julia Faure évoque le drame du Rana Plaza, survenu en 2013, comme un marqueur fort de sa prise de conscience. Aujourd’hui encore, "les femmes qui travaillent dans ces usines sont payées environ 100 € par mois. Et 100 €, c’est un quart de ce qu’il faudrait gagner pour vivre dignement."

Le modèle repose aussi sur une stratégie commerciale agressive : renouvellement permanent des collections, forte présence sur les réseaux sociaux, promotions et facilité de paiement pour "nous vendre toujours plus, mais cela fait exploser la pollution. Parce que, même si un vêtement est fait de manière écolo… produire, c’est polluer."

La cheffe d’entreprise dénonce un effet pervers : plus les marques produisent à bas coût, plus elles dominent le marché. "Ce qu’on appelle la prime au vice : ne pas traiter les eaux usées, ça coûte moins cher. Donc, vous êtes plus compétitif." À ses yeux, seule une régulation par la loi permettra de mettre fin à cette spirale : "Ce qui manque, c’est un cadre légal qui empêche d’aller produire dans des pays où les gens sont mal payés, où les eaux usées ne sont pas traitées."