
Après son best-seller « Dans la forêt », l’autrice étasunienne Jean Hegland publie « Le Temps d’après ». Dans notre entretien, elle revient sur la perte de sa maison dans un incendie en 2020 en Californie.
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En Californie, les quartiers sont-ils construits trop près des espaces naturels ?
La plupart des Californiens ont construit leur résidence sur des falaises surplombant l’océan ou au milieu des forêts, là où ce n’était pas leur place. Il y a évidemment de nombreuses façons de rendre notre cohabitation avec la nature plus sûre, comme créer de meilleures voies d’évacuation ou rendre nos maisons résistantes au feu. Mais c’est probablement mieux si les gens vivent côte à côte en ville.
Hollywood, Malibu, Pacific Palisades… Les flammes ont ravagé les quartiers des ultrariches du sud de la Californie. Ces scènes témoignent-elles de la fragilité du capitalisme ?
Pour moi, c’est clairement le signe d’un monde capitaliste dans sa phase terminale.
Cette catastrophe, alimentée par la crise climatique, peut-elle agir comme un signal d’alarme pour les États-Unis ?
En Californie, il y a un peu d’espoir : l’actuel gouverneur fait des tentatives courageuses pour limiter les émissions de carbone. C’est un début. Mais maintenant que Trump revient au pouvoir, je suis terrifiée. C’est un monstre et je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi il a été réélu.
« Un jour ça s’arrêtera, et ce sera soit un doux au revoir, soit un réveil brutal » (...)
J’ai écrit Dans la forêt il y a presque trente ans. À l’époque, nous étions conscients de la crise climatique, mais cela apparaissait comme un lointain problème. J’avais la grande chance d’être dans le déni. Dans Le Temps d’après, il y a la sécheresse, le manque d’eau, le risque d’incendie. Les saisons deviennent imprévisibles. En tant qu’écrivaine, c’est intéressant parce que cela donne des problèmes à vos personnages — même si vous les aimez beaucoup, vous devez leur rendre la vie difficile (sourire).
Mais surtout, cela me semblait irresponsable de ne pas inclure le réchauffement dans un roman d’anticipation, alors que c’est si important et si omniprésent. C’est une responsabilité envers la société et l’histoire. Enfin, cela ne nous rendrait pas crédibles dans la fiction. (...)
Votre roman est sensible, magique et dur à la fois. Vos personnages ont façonné un lien étroit avec les non-humains, et imaginé une autre façon de vivre. Est-ce ainsi que vous imaginez l’après-effondrement ?
L’une des choses que nous avons perdues de vue dans ces mondes merveilleux que nous avons créés est la connexion avec le reste de la vie. Nous avons oublié que tout ce dont nous sommes entourés vient de la nature. Le re-connaître nous permettrait d’être plus honnêtes sur la façon dont nous utilisons les cadeaux (au lieu des ressources) de la nature, et donnerait du sens à notre vie. Nous nous comportons comme si ces cadeaux/ressources étaient infinis alors que nous vivons sur une planète finie. En empêchant la nature, nous nous mettons en péril. Un jour ça s’arrêtera, et ce sera soit un doux au revoir, soit un réveil brutal. (...)
Mais nous pouvons vivre plus proches de la nature et plus simplement. Je crois au pouvoir des histoires. Nous avons besoin de récits qui nous aident à imaginer un avenir plus prometteur que l’apocalypse. (...)
Le Temps d’après, de Jean Hegland, aux éditions Gallmeister, janvier 2025, 352 p., 23,90 euros.