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« Je ne connais rien du Mali où on veut m’expulser. Ma vie est ici. »
#migrants #immigration #expulsions
Article mis en ligne le 28 juin 2024

Après l’expulsion du « En gare » à Montreuil, Moussa, a été placé dans un centre de rétention administrative francilien. En France depuis l’âge de trois ans, ce père de deux enfants, a dû dire au revoir à ses proches. À la veille de son vol, prévu ce vendredi 28 juin pour le Mali, Moussa a confié à Politis son témoignage.

Cela fait un mois que je suis au centre de rétention. Je ne dors plus, je perds du poids, je suis enfermé dans une cage, je tourne en rond comme si j’étais le pire des criminels. Je vois des avions décoller tout le temps au-dessus de ma tête, à longueur de journées. Les murs tremblent. Les gens prennent des médocs, ils se cachetonnnent, ils se taillent les veines. Il y en a qui se suicident. En vrai de vrai, moi, je ne sais pas ce que je fais ici. (...)

On m’a mis une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) en me reprochant plusieurs années plus tard des choses que j’ai déjà payées et après m’être réinséré. J’ai subi les premières conséquences de la loi asile et immigration de 2024. On m’a aussi reproché de ne pas avoir fait les démarches nécessaires pour me régulariser, ce qui est faux.

À plusieurs reprises, j’ai fait mes démarches. Une décision prise par un tribunal administratif annulait les arrêtés pris contre moi et le préfet devait me donner un titre de séjour provisoire le temps de faire mes démarches. La préfecture n’a pas respecté cette décision, ce qui est grave. Après mon OQTF, les autorités maliennes ont délivré à la préfecture un laissez-passer et la préfecture a programmé un vol, vendredi 28 juin, vers le Mali. Je ne peux pas y croire.

« Je suis arrivé quand j’avais 3 ans » (...)

J’ai un parcours un peu compliqué. Ma famille est toujours là en soutien. C’est ma grand-mère qui m’a fait venir en France pour soigner mon problème d’œil. J’ai toujours vécu à Montreuil. J’ai la preuve pour chaque année que je vis en France depuis mes trois ans. Toutes les preuves de mon existence, je les ai. Pour ma régularisation, j’attendais seulement la délivrance de documents de la préfecture qui ne sont jamais venus. Je travaillais au musée du Louvre en logistique. Mon contrat a été rompu parce que j’attendais les documents. Quand ils ont expulsé l’association du « En gare », j’ai reçu mon OQTF. (...)

J’ai mal au cœur, vous pouvez pas savoir. Mes enfants, je ne les ai pas revus. C’est pas des conditions pour voir des enfants, ici.

Personne ne mérite d’être enfermé pour des histoires de papier. Quand t’es transporté, au tribunal par exemple, t’es ceinturé autour des abdominaux, t’es menotté, on t’attache. Quand t’entends que l’autre, ils ont déjà essayé de le mettre dans un vol, qu’il a été attaché, qu’il est traumatisé, ton cerveau tourne à 100 km/heure. Si ce sont des vols cachés, ils te prennent pendant la nuit. Pour les vols classiques, si tu refuses d’y aller, ils t’attachent aussi.
« Ici, t’es moins que rien » (...)

Je ne connais rien du Mali où on veut m’expulser. Ma vie est ici. Le Mali, c’est un pays où je suis né, mais je ne connais pas les coutumes comme en France où j’ai pris mes repères. Je n’ai rien là-bas. Qui va m’aider ? Qu’est-ce que je vais faire comme travail ou formation ? (...)

Un des éléments qui me fait tenir, c’est la solidarité et l’entraide. Parce que quand tu es tout seul ici, tu craques. Je voudrais remercier, ma famille, mes proches, chaque membre du « En gare » et les gens qui se sont mobilisés, mon avocate qui n’a rien lâché, merci du fond du cœur. Respect à toute la solidarité et tout ce qui se met en place, à ceux qui compatissent et font ce qu’ils peuvent. Peu importe les difficultés, et j’en ai surmontées dans ma vie, c’est là qu’on voit la solidarité et les gens qui n’aiment pas l’injustice. Si jamais je pars, j’espère que ce texte servira à quelqu’un.