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Quatre jours après le passage du cyclone Chido qui a dévasté l’île de Mayotte, les secours s’activent pour venir en aide aux sinistrés. Parmi eux, les migrants sont particulièrement vulnérables et les témoignages recueillis font part d’une situation critique. Beaucoup craignent d’être arrêtés par les autorités françaises et expulsés en demandant de l’aide.
"Moi et ma fille avons un abri mais plus une goutte d’eau". Desire* a perdu sa maison lorsque le cyclone Chido a ravagé l’ile française de Mayotte, samedi 14 décembre. "Tout s’est inondé très vite. Ce sont les voisins qui nous ont sorti de là avec ma fille", raconte-t-elle au téléphone après avoir trouvé un peu de réseau. Hébergée par une amie de Cavani, un quartier de Mamoudzou, le chef-lieu de l’île, cette Rwandaise en recours après un premier refus de sa demande d’asile craint le pire. (...)
Alors qu’elle peine à se remettre de la violence de la tempête qui a frappé le 101e département français, elle survit dans une immense détresse. "Il me reste un peu d’argent liquide mais on ne peut pas faire les courses car on a du mal à se déplacer. On se lave dans la rivière et pour l’électricité, un voisin partage son groupe électrogène pour qu’on recharge nos appareils", explique la jeune femme.
Autour d’elle, la Rwandaise partage la grande désolation qui touche l’île pulvérisée par les rafales qui ont parfois atteint les 226km/h. "Il y a des dizaines de sans-abri qui errent. De personnes qui n’ont plus rien", conte Desire. (...)
La peur de se rendre aux distributions alimentaires
Ce mercredi, un premier avion d’aide humanitaire est arrivé sur l’île avec à son bord plusieurs tonnes d’aide mais il faudra au moins huit jours pour que les rotations commencées dimanche se traduisent concrètement dans les 17 communes de l’île par des distributions à ceux qui n’ont plus rien, selon le ministre démissionnaire des Transports. En attendant, chacun doit survivre comme il peut sur ce territoire ultra-marin où la crise humanitaire s’aggrave chaque minute.
De toute façon, traumatisées par des années de politique migratoire toujours plus rude, beaucoup de personnes en situation irrégulière, tout comme elles étaient réticentes à se rendre dans les abris avant le cyclone, ne veulent pas aller aux points de distribution de peur de se faire arrêter. (...)
Déjà, lorsque la "crise de l’eau" avait commencé fin 2023 sur l’île, les personnes en situation irrégulière n’osaient pas se rendre aux distributions d’eau de peur d’être arrêtées. Aujourd’hui, certaines refusent même d’aller à l’hôpital pour se faire soigner par crainte d’y être contrôlées.
Chaque année, ce sont plus de 25 000 personnes qui sont expulsées de Mayotte, soit plus que tous les autres départements de France réunis.
Dans ce contexte, les exilés préfèrent rester cachés, même après un cyclone. Et les récentes déclarations du ministre de l’Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau n’ont pas rassuré ce public, ni les associations. (...)
"Les droits et la dignité de tous les habitants de Mayotte, sans distinction d’origine ou de statut administratif, doivent être au centre de la réponse à l’urgence et de la politique de reconstruction", a rappelé de son côté l’association La Cimade.