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Italie : comment expliquer la forte chute des arrivées de migrants depuis la Tunisie ?
#Italie #Tunisie #Libye #migrants #immigration #UE
Article mis en ligne le 7 juillet 2025
dernière modification le 4 juillet 2025

Depuis le début de l’année, un peu plus de 30 000 migrants ont débarqué en Italie, soit une hausse de 15% par rapport à la même période de l’an dernier. Mais si les arrivées augmentent, elles viennent principalement de Libye. Celles effectuées depuis la Tunisie sont en forte baisse : les autorités ont enregistré près de 2 000 migrants venus des rives tunisiennes en 2025, contre plus de 10 000 en 2024 à la même période.

L’année 2025 semble confirmer la tendance observée l’an passé : la route migratoire de la Tunisie vers l’Italie se referme au profit d’une autre, reliant la Libye aux rives italiennes.

Changement de route

"La vie en Tunisie est devenue si difficile qu’on peut imaginer un déplacement [du flux migratoire] vers la Libye", avance Sara Prestianni, directrice de plaidoyer à l’association EuroMed Rights, contactée par InfoMigrants. "En Tunisie, les migrants sont davantage empêchés de prendre la mer, donc, comme souvent, quand une route se ferme, une autre se réactive".

Depuis la chute de Mouammar Khadafi en 2011, les départs se sont alternés entre la Libye et la Tunisie. Au départ, la majorité des traversées vers l’Italie se concentrait depuis les côtes libyennes. Mais les violations des droits dans le pays, en proie au chaos, largement documentées par les ONG, les instances internationales et la presse, dont InfoMigrants, ont changé la donne. (...)

En Libye, les migrants interceptés en mer par les garde-côtes libyens sont envoyés dans des prisons gérées par le département de lutte contre l’immigration illégale (DCIM) où les abus, les tortures, les viols, les travaux forcés, la malnutrition… sont légion. Pour en sortir, les exilés doivent débourser une importante somme d’argent. Certains, totalement démunis, peuvent passer des années enfermés dans les geôles libyennes.

Dans ce contexte, les migrants ont donc préféré éviter la Libye, qu’ils décrivent comme "un enfer sur terre", pour tenter leur chance depuis la Tunisie ou le Maroc.

Ainsi, en 2023, 50% des 146 000 migrants arrivés en Italie avaient pris la mer depuis les rives tunisiennes. Cette même année, les gardes-côtes tunisiens avaient empêché près de 70 000 personnes de traverser la Méditerranée, soit le double du chiffre de 2022.
Un quotidien infernal en Tunisie

Mais depuis deux ans, la tendance s’inverse à nouveau... vers la Libye. En cause : la politique migratoire tunisienne qui a rendu infernal le quotidien des Subsahariens dans le pays. Depuis 2023, le gouvernement fait tout pour éloigner les exilés des côtes du pays et les empêcher de prendre la mer vers l’Europe.

À l’été 2023, Tunis et Rome ont scellé une alliance dont l’un des principaux axes concerne l’immigration illégale. Le partenariat prévoit de renforcer les contrôles aux frontières et les retours de candidats à l’exil en Tunisie.

Au même moment, des milliers de Noirs ont été raflés dans les rues tunisiennes, principalement dans la région de Sfax (centre-est), et envoyés dans le désert près de la frontière libyenne ou algérienne. Une centaine de personnes, dont des femmes et des enfants, y sont mortes de faim, d’après les ONG. (...)

Les arrestations, suivies d’expulsions collectives, illégales au regard du droit international, n’ont pas cessé depuis. (...)

Aux interpellations et expulsions dans le désert s’ajoutent les démolitions de campements. En avril dernier, les autorités ont mené une vaste opération de démantèlement des camps disséminés dans les oliveraies d’El-Amra – après avoir été chassés des centres-villes en 2023, les Subsahariens ont érigé d’immenses campements dans la région, créant des conflits avec les propriétaires des champs d’oliviers. (...)

Pendant des jours, la Garde nationale a détruit les habitations de fortune installées dans les zones occupées par les exilés. Apeurées et démunies par la violence des évacuations de camps, des centaines de personnes se sont alors ruées vers les locaux de l’Organisation internationale des migrations (OIM), le bras de l’ONU qui organise des "retours volontaires" des migrants vers leur pays d’origine. (...)

le dispositif de l’OIM tourne à plein régime. En cinq mois - de janvier à mai 2025 -, Houcem Eddine Jebabli et l’OIM ont déclaré qu’environ 3 500 migrants avaient quitté volontairement la Tunisie. Pour le seul mois d’avril, un total de 1 009 migrants avaient bénéficié du "retour volontaire".

En 2024 déjà, ce programme était largement utilisé en Tunisie. L’an dernier, un nombre record d’exilés étaient retournés chez eux via l’OIM : 7 250 personnes contre 2 250 en 2023, ce qui représentait déjà une hausse de 45 % par rapport à 2022.