
L’analyse des publications de plusieurs sites du groupe Prisma, racheté par Bolloré en 2021, ainsi que plusieurs témoignages internes collectés par "Complément d’enquête", montrent à quel point le sujet est devenu sensible au sein de ces médias.
Le 9 février 2023, la sanction tombe. L’Arcom (ex-CSA) condamne la chaîne C8 à une amende de 3,5 millions d’euros, après l’altercation qui a éclaté entre le député insoumis Louis Boyard et Cyril Hanouna, le 10 novembre, sur le plateau de "Touche pas à mon poste". L’élu et ancien chroniqueur de l’émission avait critiqué Vincent Bolloré, propriétaire du groupe Canal+, dont fait partie C8. Ce qui lui a valu, en retour, d’être qualifié d’"abruti", de "tocard" et de "merde". (...)
Le jour de sa publication, la sanction record de l’Arcom fait le tour de toute la presse… ou presque. Difficile d’en trouver mention dans plusieurs médias détenus par Prisma, pourtant spécialisés dans l’actualité du petit écran ou des peoples. Télé-Loisirs, Télé 2 semaines, Voici, Gala, Femme Actuelle… Ce jour-là et les suivants, les sites de ces médias préfèrent parler de la vie intime des chroniqueurs ou des exploits sportifs du fils de Cyril Hanouna. Ils avaient pourtant largement relaté la sanction de 3 millions d’euros infligée par le CSA à la même chaîne, six ans plus tôt, après un canular homophobe.
Comment expliquer cette récente discrétion ? Le rachat de Prisma Media par Vivendi, et donc par Vincent Bolloré, intervenu en mai 2021, aurait-il changé la donne ? À l’occasion de la diffusion d’un portrait de Cyril Hanouna, jeudi 30 novembre sur France 2, le magazine "Complément d’enquête" s’est penché sur le traitement de l’animateur dans ces médias, notamment depuis qu’ils sont passés dans le giron de l’homme d’affaires breton.
Onze fois moins d’articles qu’avant le rachat (...)
Le nombre d’articles évoquant les sanctions de l’Arcom à l’encontre de C8 a dégringolé peu de temps après le rachat de Prisma Media par Vivendi. (...)
Sur les 29 décisions de l’Arcom que nous avons recensées à l’encontre des émissions de Cyril Hanouna, 14 sont survenues depuis mai 2021. Publicité clandestine, relais de thèses complotistes, termes outranciers… En plus de l’amende record de 3,5 millions d’euros, le gendarme de l’audiovisuel a enchaîné les mises en demeure et autres sanctions pécuniaires envers C8. Des décisions dont les lecteurs de plusieurs sites de Prisma n’ont pas entendu parler.
Quelques exceptions néanmoins. Capital, magazine spécialisé dans l’actualité économique, a consacré depuis mai 2021 trois articles aux sanctions prises contre C8. Femme Actuelle aussi, deux fois, concernant les amendes de 200 000 et 500 000 euros infligées par l’Arcom à la chaîne en 2023. Dans les éditions imprimées des magazines détenus par Prisma, nous n’avons trouvé qu’un article faisant état des sanctions de l’Arcom, publié à la fois dans Télé-Loisirs et Télé 2 semaines.
Entre "famille" et "autocensure"
Chez Prisma, plusieurs témoignages de salariés actuels ou anciens confirment qu’il est désormais mal vu de publier du contenu négatif concernant Cyril Hanouna. (...)
Selon les informations du site Les Jours, la rédaction de Voici a reçu, de la part de la "hiérarchie interne", la consigne de ne pas toucher à Cyril Hanouna. D’autres anciens salariés, contactés par "Complément d’enquête", évoquent aussi une autocensure. "On le sent, on en parle souvent entre rédacteurs", confirme un salarié encore en poste. Un autre, travaillant au sein de la rédaction de Gala, abonde : "Quand des nouveaux arrivent, il leur arrive de ne pas être au courant de ces choses-là et de proposer un sujet sur Hanouna. On leur dit : ’non, on ne fait rien sur Hanouna’".
Un paparazzi travaillant régulièrement pour Voici raconte aussi à "Complément d’enquête" que les photos d’Hanouna proposées à la rédaction sont désormais systématiquement refusées. A l’automne 2022, une enquête de Streetpress racontait qu’une lettre critiquant le présentateur avait aussi dû être retirée du courrier des lecteurs.
Plus de 180 journalistes ont quitté le navire depuis le rachat (...)