
Après le passage de la violente tempête Ciaran et les averses qui s’abattent sur les départements du Nord et du Pas-de-Calais, les migrants sont touchés de plein fouet par les intempéries. Les tentes sont trempées, les sols boueux et les associations débordées par les appels d’exilés cherchant à "mettre leurs enfants au sec et à l’abri".
Rivières en crues, rues inondées, maisons délabrées, écoles fermées : les habitants du Pas-de-Calais et du Nord, en France, se réveillent groggy vendredi 10 novembre après une nuit de pluies abondantes. Les migrants aussi. Vers Grande-Synthe, dans la commune de Loon-plage, les campements informels dans lesquels ils survivent – dans l’espoir de passer en Angleterre – ont subi de plein fouet les intempéries de ces derniers jours.
"La situation est catastrophique, comme vous pouvez l’imaginer. Depuis le passage de la tempête Ciaran, et les récentes précipitations, on ne reçoit que des appels de gens en détresse cherchant à être mis à l’abri", explique Fabien, coordinateur d’Utopia 56 dans le Nord, joint par InfoMigrants.
"Situation inédite"
Et l’association peine à les aider. Pas assez de soutien de l’État mais aussi, pas assez de matériel, disent-elles. "Là, on est en train de distribuer des couvertures sèches, mais on n’en a pas beaucoup et surtout, on sait que ces couvertures ne vont faire qu’une nuit, elles seront trempées après une seule utilisation". Les toiles de tentes sont également imbibées d’eau. "Elles sont censées être imperméables mais il a tellement plu, qu’elles s’humidifient aussi".
À Calais et dans les environs, même désarroi. "Les exilés sont carrément dans des marécages", abonde Pierre Roques, de l’Auberge des Migrants. "Après la tempête Ciaran, des places avaient été ouvertes, mais ce n’est pas le cas cette semaine... La préfecture donne de multiples recommandations pour la population civile, mais les exilés ont, encore une fois, été mis de côté".
Pour protéger la population de la tempête, les préfectures du Nord et du Pas-de-Calais avaient effectivement ouvert des dispositifs temporaires de mise à l’abri. Mais un grand nombre d’exilés avaient quand même été laissés sans solution sur les campements, faute de places et d’anticipation, estiment les associations de terrain. (...)
"La préfecture nous a dit : ‘Abritez-vous’, mais quand des centaines de personnes n’ont que les arbres pour s’abriter, on fait quoi ?", s’agace Fabien. "Deux gymnases ont ouvert mais ils ont été très vite saturés". Même colère de Pierre Roques. "Depuis que je travaille à Calais, je ne pense pas avoir vu autant de personnes en demande d’hébergements. Le manque de solutions institutionnelles corrélé à ces conditions météorologiques mènent à une situation inédite".
Utopia 56 et l’Auberge des migrants estiment que des dizaines de personnes dorment aujourd’hui dehors, dont des femmes et des enfants. "Une femme enceinte nous a appelés un soir, elle était sur le point d’accoucher et n’avait même pas pu, dans son état, trouver une place en hébergement d’urgence. Heureusement les secours sont venus la chercher", détaille encore Fabien.
"Des bus qui ne sont jamais venus"
La préfecture avait également promis de mettre en place des bus pour faire des allers-retours entre les campements de migrants de Loon-plage et les lieux de mise à l’abri. Mais des images montrent des files d’attentes d’exilés attendant en vain. "Sur les vidéos envoyées, on voit des dizaines de personnes attendant un bus qui ne viendra jamais", explique Fabien.
Aujourd’hui, les gymnases ouverts en urgence ont donc fermé. Et le reste des structures (hébergements d’urgence, centres d’accueil, hôtels sociaux...) sont saturées. "On dit quoi aux migrants qui nous appellent pour mettre leurs enfants au sec et à l’abri ?".
Et la situation ne devrait pas s’arranger. (...)
À cette situation délétère s’ajoute l’angoisse des démantèlements et des saisies de tentes. À la mi-octobre, les forces de l’ordre avaient évacué un campement de Loon-Plage où vivaient près de 2 000 personnes. Certaines ont pu bénéficier des hébergements en centres d’accueil. Mais pour les autres, de retour à la rue, leur matériel a disparu : la plupart des tentes et couvertures ayant été saisies et confisquées.