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Il y a 50 ans, la Loire se soulevait pour dire « non » au nucléaire
#Centralesnucleaires #resistances
Article mis en ligne le 1er août 2025
dernière modification le 30 juillet 2025

Solidarité paysanne, sabotages, charge de bovins sur des CRS... Dans les années 1970, de nombreuses luttes contre les premières centrales nucléaires françaises ont agité le bassin de la Loire, raconte notre chroniqueur.

Peu importe les victoires ou les défaites, les grandes luttes mythiques ou celles déjà oubliées permettent de comprendre l’histoire des territoires : avec cette chronique, Reporterre vous plonge dans une lutte passée.

François Guerroué est auteur. Il habite en nomade le bassin-versant de la Loire, où il soutient les dynamiques d’autonomie politique et de résistance écologique. (...)

L’emprise terrestre des puissants et de leurs institutions est toujours à la racine des rapports de force qui se jouent dans les conflits écologiques. L’histoire des luttes contre les centrales nucléaires raconte comment l’écologie s’est développée à partir d’une autodéfense populaire rurale pour sauvegarder les usages paysans millénaires anéantis en quelques décennies par la modernité. Sur tout le territoire, la résistance fût forte. Contrairement à ce que la légende a tendance à faire croire : il n’y a pas qu’à Plogoff qu’on s’est battus. (...)

En 1974, le choc pétrolier servit d’alibi au Premier ministre, Pierre Messmer, pour lancer un programme visant à construire en quelques années plusieurs dizaines de réacteurs nucléaires. EDF espérait pouvoir installer en tout jusqu’à sept sites nucléaires sur le bassin de la Loire, plus un en Bretagne (voir la carte), soit une vingtaine de réacteurs en tout. Pour chaque projet, de multiples lieux étaient envisagés. Rien que pour la Basse-Loire, près d’une dizaine de sites furent prospectés, de l’estuaire à la Vendée.

Contre-expertises et sabotage

Jean Kergrist, grande figure de la lutte antinucléaire sous ses traits de « clown atomique », qualifia le phénomène de « centrale baladeuse ». Toujours la même stratégie : laisser planer le doute en envisageant plusieurs sites pour voir comment réagissent les populations localement, puis choisir la commune la plus susceptible de céder aux promesses de développement, aussitôt mise sous pression par les autorités. (...)

Dans le Val de Loire, entre Nevers et Gien, huit sites furent d’abord envisagés. Une forte mobilisation se mit en place dans toute la région, avec de nombreuses associations, ainsi qu’un Collectif du Val de Loire pour coordonner l’ensemble. Des réunions publiques aux sabotages de forage, des contre-expertises scientifiques aux manifestations, pendant cinq ans, la bataille agita toutes les couches de la population.

À Belleville-sur-Loire (Cher), les agriculteurs, soutenus par leur syndicat, la FDSEA, organisèrent un service d’ordre permanent sur le terrain, armés de fusils, pour empêcher les expropriations et surveiller les travaux. Les techniciens chargés de construire le pont nécessaire à la construction de la centrale étaient effrayés et leur matériel était gardé jour et nuit par des vigiles avec des chiens.

Passage en force du gouvernement (...)

Au moment de l’enquête publique, la population locale se rebella, empêcha l’accès des mairies aux autorités, qui dépêchèrent des camions en guise de mairies annexes. À Cheix, les paysans finirent par charger les CRS avec un troupeau de bovins. (...)

Résistance farouche des populations rurales (...)

Par la suite, comme le raconte Notre Terre mourra proprement le film réalisé par l’association Comité centrales, aucun site, sur les dizaines envisagées par l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs dans la région, ne se concrétisa, grâce à la résistance farouche des populations rurales.

Souvenons-nous du combat acharné de nos anciens pour défendre leurs terres et n’oublions surtout pas que l’écologie est née de la résistance à ce que l’anthropologue Pierre Clastres qualifiait dans les années 1970 d’« ethnocide » des mondes paysans par la modernité et ses infrastructures. (...)