
La question n’est plus de savoir si l’intelligence artificielle a sa place dans le secteur de l’édition, mais bien de déterminer comment l’intégrer. Enjeu d’éthique, de rémunération, de transparence et de communication, l’utilisation de l’IA reste un sujet délicat, entouré de nombreuses problématiques en suspens. L’Authors’ Licensing and Collecting Society (ALCS) a dressé, ce mardi 3 décembre, un état des lieux, en sondant près de 13.500 auteurs et autrices.
Une situation floue. C’est ce qu’a conclu l’ALCS, à l’issue de sa présentation, face au Parlement britannique, d’un rapport basé sur les réponses de plus de 13.500 auteurs concernant l’intelligence artificielle.
Une demande de transparence ignorée
Les chiffres mis en exergue révèlent une inquiétude générale des écrivains quant à l’utilisation de leurs textes pour entraîner les modèles d’IA génératives (...)
Pourtant, 91 % des auteurs expriment le désir d’être consultés avant toute exploitation de leurs œuvres. Une attente largement ignorée par les maisons puisque, parmi les 1046 conscients que leurs travaux ont servi d’entraînement à l’IA, seuls 7 % ont donné leur accord, soit à peine... 73 personnes.
Des contrats lucratifs, des auteurs toujours pauvres
Ces préoccupations soulèvent une question jugée essentielle : comment rémunérer les auteurs et autrices ? Et à quelle hauteur ? Car, on le sait, ces collaborations peuvent être lucratives, et ouvrent la voie à un nouveau modèle économique. En août 2024, The Bookseller révélait par exemple que l’éditeur américain John Wiley & Sons, spécialisé dans les revues scientifiques, avait conclu un contrat de 44 millions de dollars avec des entreprises technologiques anonymes.
S’ils n’ont pas communiqué sur la part reversée aux auteurs – certains affirment n’avoir rien perçu –d’autres ont fixé des modalités de rémunération. HarperCollins, par exemple, a proposé une somme fixe et non négociable de 2500 dollars pour trois années d’utilisation des données aux auteurs acceptant que leurs textes soient exploités. (...)
96 % des auteurs réclament une rémunération si leurs œuvres sont utilisées, même en l’absence de crédit. Et pour assurer une juste répartition des gains, 81 % des répondants soutiennent l’idée d’une licence collective gérée par l’ALCS.
Des écrivains qui utilisent l’IA...
Un point demeure pourtant paradoxal. 1269 auteurs interrogés admettent avoir déjà utilisé l’intelligence artificielle dans le cadre de leur travail d’écriture. Parmi eux, 70 % s’en servent pour effectuer des recherches ou structurer leurs idées. 45 % l’intègrent dans des tâches administratives, telles que la gestion de correspondance ou la création de résumés. Et 12 % génèrent directement du contenu, qu’il s’agisse de paragraphes, d’idées ou de structures narratives. (...)
Un échange de services ?
Améliorer les IA pour mieux s’en servir par la suite, c’est le pari assumé et controversé qu’a fait John Wiley & Sons, maison ouvertement techno-optimiste, en injectant l’intégralité de leurs travaux scientifiques dans des modèles d’IA. L’objectif ? Faire avancer la recherche en procurant aux scientifiques un outil de travail sûr et vérifié, c’est-à-dire sans hallucinations [génération de données fictives, NDLR]. (...)
les expérimentations avancent à grands pas dans le domaine de l’édition. Qu’il s’agisse de cession de droit, de création de contenu, ou d’accélération des processus éditoriaux, les nouvelles technologies ont déjà mis un pied dans le monde du livre. Reste à légiférer ses usages pour en éviter les dérives, assurer une transparence totale et une utilisation éthique et morale des données.