Le 15 juillet 2022, Lancine Konate, un sans-papiers guinéen escalade à mains nues deux étages d’un immeuble rennais en flammes pour secourir ses occupants. Un acte de bravoure jamais récompensé par les autorités. Il est aujourd’hui enfermé au centre de rétention de Vincennes, en région parisienne, sous le coup d’une expulsion.

(...) "Cela fait 71 jours que je suis ici, je vais mal", lâche Lanciné Konate d’une voix à peine audible au téléphone. Le Guinéen sans-papiers de 31 ans, enfermé au centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes, en région parisienne, depuis le 11 juillet 2024, dit ne pas comprendre la raison de son enfermement. "Je n’ai jamais fait de conneries, je n’ai rien fait de mal, je suis quelqu’un de gentil".

Une gentillesse – un dévouement, surtout – qu’il avait mis au service de la ville de Rennes où il avait trouvé refuge depuis son arrivée en France en 2017. Le 15 juillet 2022, Lancine Konaté a grimpé à mains nues deux étages d’une façade d’immeuble en feu pour tenter de sauver ses occupants. Filmé par des témoins, son escalade avait suscité l’admiration de tous. "J’avais entendu des cris d’enfants, des pleurs, j’y suis allé", raconte-t-il simplement. (...)

À l’époque, les images étaient devenues virales. Et les soutiens – de la mairie, des associations locales - avaient afflué de toutes parts pour saluer le courage de Lancine, gravement blessé à la main gauche. Le Guinéen aurait pu rejoindre ce jour-là la liste des "héros sans-papiers" régularisés par les institutions françaises pour "acte de bravoure". Il n’en est rien.

Contrairement à Mamadou Gassama, ce Malien qui a obtenu des papiers en 2018 après avoir sauvé un enfant de quatre ans accroché à la rambarde de sa fenêtre, Lancine Konate n’a jamais eu droits aux remerciements de la nation.

Pis, un an et demi après son acte de bravoure, il a reçu une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) délivré par la préfecture d’Ille-et-Vilaine. C’était en février 2024. (...)

Obligation de quitter le territoire français

Une souffrance administrative qui s’ajoute à une douleur physique. Sa main, mal soignée et "qui [le] lance toujours", l’avait déjà condamné à lâcher ses petits boulots dans le bâtiment. La vie de Lancine Konate se dégrade, faute de salaires et d’hébergement.

Et le Guinéen joue toujours plus de malchance. Cinq mois après la réception de son OQTF, il se rend à Paris. Alors qu’il regarde le match France-Espagne, demi-finale de l’Euro 2024, dans un café, une femme l’accuse de "maltraitance animale". Lancine est accompagné d’un chiot de "trois mois et trois semaines". "Il était excité, je lui ai dit de se calmer mais jamais je ne lui ai fait de mal, c’est mon chien", se défend-il. La police est appelée. Emmené en garde à vue – "pendant moins de 24h", précise son avocate -, Lancine, sous OQTF, sera directement transféré au CRA de Vincennes.

"Les policiers n’ont pourtant retenu aucune charge, il n’y a aucune poursuite contre lui. Ils l’ont surtout interrogé sur sa situation administrative, pas sur les faits qui lui étaient reprochés", détaille son avocate.

Pas de "menace à l’ordre public", et pas de laissez-passer consulaire (...)

Prochaine audience, le 23 septembre. (...)

En France, la durée de rétention dure au maximum 90 jours, et c’est le juge des libertés et des détentions qui décide d’un prolongement d’un séjour en CRA ou d’une remise en liberté.

De son côté, Lancine Konaté se dit un peu perdu dans "toutes ces procédures françaises". "J’espère que les choses s’arrangeront pour moi", glisse-t-il avant de raccrocher. "Je ne suis pas un méchant, je suis quelqu’un qui a toujours gardé son sang-froid et sa dignité. J’aimerais rester". (...)