
Tout en ayant contribué au procès que l’université d’Harvard intente à l’administration Trump pour son ingérence, un groupe d’universitaires en Études Juives récuse la stratégie de défense de leur université. Selon Harvard, la critique du génocide israélien à Gaza constituerait de l’antisémitisme. Une conception « discriminatoire » qui « efface la diversité juive », et « tente de redessiner les frontières de la légitimité juive », selon Barry Trachtenberg, Victor Silverman, Atalia Omer, Raz Segal, Rebecca T Alpert et Judith Butler.
L’université d’Harvard intente un procès pour mettre fin à l’ingérence sans précédent de l’administration Trump dans le fonctionnement de l’université, censée protéger les étudiants juifs de l’antisémitisme. Harvard soutient qu’elle a déjà pris les mesures nécessaires pour contenir une explosion d’antisémitisme sur le campus. Le gouvernement a tort dans son attaque contre Harvard, mais Harvard a aussi tort également dans sa défense.
Nous faisons partie d’un groupe de 27 chercheurs en Etudes Juives qui ont déposé un mémoire d’amicus curiae dans le procès intenté par Harvard contre l’administration Trump. Nous avons présenté ce mémoire, rédigé par l’avocat spécialiste des droits civiques Yaman Salahi, parce que nous soutenons la lutte de l’université contre l’ingérence abusive du gouvernement.
Pourtant, ce faisant, l’institution universitaire a commis un autre type de discrimination, qui viole la loi fédérale sur les droits civils. Nous rejetons le douteux postulat de Harvard posant que le fait d’être juif implique de soutenir l’Etat d’Israël, ou que la critique du génocide israélien à Gaza relève de l’antisémitisme.
Les affirmations de l’université Harvard concernant l’antisémitisme sur les campus ne donnent pas seulement une fausse représentation de la diversité juive - elles violent le titre VI de la loi sur les droits civils en soumettant les Juifs à des stéréotypes préjudiciables sur ce qui constitue une identité juive « authentique ».
La plainte de l’Université Harvard elle-même et les documents juridiques déposés à l’appui perpétuent une fiction pernicieuse : les protestations contre les actions d’Israël à Gaza découleraient de préjugés à l’encontre des étudiants juifs plutôt que d’une opposition morale à la destruction systématique de la vie des Palestiniens. Ce récit repose sur trois hypothèses erronées : les communautés juives auraient des opinions uniformément pro-israéliennes, les étudiants juifs ne pourraient supporter qu’existent des points de vue différents sur Israël et la Palestine, et l’exposition à la critique d’Israël constituerait un préjudice en matière de droits civils.
Ces hypothèses ne sont pas seulement fausses d’un point de vue empirique, elles sont également dangereuses d’un point de vue juridique. (...)
Des sondages récents montrent que près d’un tiers des juifs américains reconnaissent qu’Israël commet un génocide à Gaza et que plus de la moitié d’entre eux sont favorables à la suspension des livraisons d’armes à Israël. Une enquête menée par Pew Research en 2020 a révélé que seuls 45 % des Américains juifs considèrent que « se soucier d’Israël » est essentiel à leur identité juive.
L’approche de Harvard ne se contente pas d’effacer la diversité juive : elle nuit activement aux étudiants juifs qui ne se conforment pas aux opinions politiques attendues. (...)
Harvard n’est pas un cas isolé, puisque des étudiants et des enseignants juifs dissidents de tout le pays ont été pris pour cible, au même titre que leurs camarades palestiniens et musulmans.
Ce traitement discriminatoire découle de l’adoption erronée par Harvard de la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), qui associe la critique d’Israël aux préjugés à l’encontre des personnes juives. (...)
Nous soutenons le recours juridique de Harvard contre l’ingérence du gouvernement fédéral, mais nous refusons que l’université qualifie sa propre censure de protection nécessaire pour les étudiants juifs. (...)
Nous soutenons le recours juridique de Harvard contre l’ingérence du gouvernement fédéral, mais nous refusons que l’université qualifie sa propre censure de protection nécessaire pour les étudiants juifs. (...)
Les universités doivent cesser de contrôler les limites de la légitimité juive et commencer à respecter la liberté des Juifs. Les Juifs sont capables de se forger leur propre opinion sur Israël, la Palestine et tout le reste. Nous n’avons pas besoin que des institutions nous disent ce que nous devons croire pour être authentiquement juifs. (...)
Notre identité juive n’est pas conditionnée par le soutien à la politique d’un gouvernement. Notre engagement en faveur de la justice n’est pas distinct de notre judéité ou de l’histoire juive - il en découle directement. Les universités qui prétendent nous protéger tout en faisant taire nos voix ont fondamentalement mal compris l’antisémitisme et l’identité juive elle-même.