
Le fichier Base-élèves continue à rencontrer des oppositions. Le dépôt par des parents d’élèves de 11 nouveaux recours devant des tribunaux administratifs afin de faire respecter leur droit d’opposition en témoigne [1].
D’autre part, l’introduction de la version numérique du Livret personnel de compétences, qui s’imposera à la prochaine rentrée aux enfants scolarisés en primaire, n’est pas faite pour rassurer les parents : l’immatriculation par l’INE permettra d’amorcer dès l’école primaire le fichage informatique centralisé des compétences des enfants, fichage qui pourra les suivre tout au long de leur vie d’adulte.
(...) L’expérimentation a été lancée en 2010 dans quelques collèges pour faire l’objet d’une évaluation qui devait être présentée au Parlement en 2012. Or, cela s’est déjà généralisé dans les collèges et doit être mis en place cette année en primaire. Pourtant, les syndicats ont fait état de nombreuses critiques. Tant sur les modalités – questions disparates, impossibles à évaluer, provoquant une surcharge de travail au détriment du pédagogique... « une usine à case » selon le SNUipp – que sur le fond – mascarade d’évaluation, s’attachant moins aux résultats réels qu’à l’affichage de résultats collant aux objectifs assignés.
Des citoyens se sont aussi opposés à la version numérique de ce Livret. Celle-ci n’apparaît pas immédiatement. Seule une circulaire de 2010 mentionne « une application numérique ». Le Livret personnel de compétences est présenté comme un élément du livret scolaire. Ce dernier est en version papier remis aux parents quand l’enfant quitte le primaire. Le second est directement transmis au collège. (...)
Outre l’absence de pertinence de ces évaluations, les professionnels de l’enfance et les militants des droits de l’homme dénoncent le fait qu’elles deviennent indélébiles : tentatives, échecs, incompétences, rapidité ou lenteur des acquisitions. Tout est inscrit. Tout comme le lieu de scolarisation, le passage par un établissement spécialisé, un hôpital, une école itinérante... Ni droit à l’erreur, ni droit à l’oubli.
Cet outil pourrait aussi permettre des orientations automatisées. Il introduit une conception très normative du développement d’un enfant. C’est en fait l’outil d’une approche utilitariste de l’école. « Un super CV numérique » visant essentiellement « l’employabilité », synthétise le Collectif national pour le retrait de Base-élèves, qui demande aux enseignants de ne pas le renseigner. Une consigne que l’on retrouve déjà chez la plupart des syndicats enseignants.
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les désobéisseurs ont parfois réussi à casser le plafond de verre médiatique, mais au prix de lourdes sanctions administratives. Enfin, l’opinion publique est, elle aussi, largement prise à la gorge par une foule d’autres préoccupations et difficultés.