Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
France24
Guerre Israël-Iran : Paris, Berlin et Londres en pleine ambiguïté diplomatique
#Israel #Iran #France #Allemagne #RoyaumeUni
Article mis en ligne le 28 juin 2025
dernière modification le 27 juin 2025

Dès les premières heures des frappes israéliennes sur l’Iran, Paris, Berlin et Londres ont réagi en mettant notamment en avant le “droit” d’Israël “à se défendre”. Une position apparemment contradictoire avec leur engagement de longue date à trouver une solution par la négociation dans le dossier du nucléaire iranien. Le trio n’abandonne pas cette idée, mais son “autonomie stratégique” pose question. Explications.

C’est à se demander sur quel pied danse la diplomatie de plusieurs États européens depuis les frappes israéliennes contre l’Iran, le 13 juin. Alors que la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni s’attellent depuis des années à trouver une solution négociée avec Téhéran sur la question du nucléaire iranien, le trio européen a soutenu dès les premières heures de l’attaque le “droit” d’Israël “à se défendre” face à la République islamique. (...)

Cette prise de position commune de l’E3 – le surnom donné à ces trois pays européens lors des négociations sur le nucléaire iranien il y a plusieurs années – a surpris plusieurs experts. “Au moment où, même timidement, (ils) commencent à critiquer le comportement israélien à Gaza (...), ces pays sont venus apporter leur soutien à Israël en passant sous silence le fait que c’est (l’État hébreu) qui a pris l’initiative de la guerre (...), une violation manifeste et grave du droit international”, réagit Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

Le “renversement de la position française” est particulièrement pointé du doigt par Agnès Levallois, qu’elle qualifie sur l’antenne de France 24 de “magistral” : ““Emmanuel Macron avait haussé le ton contre Benjamin Netanyahu et maintenant on a (un président) qui dit ’on sera prêts, nous, la France, à participer avec Israël dans la guerre contre l’Iran’”, explique la présidente de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient et enseignante à Sciences-Po Paris, “alors que c’est Israël qui a lancé ces attaques qui s’inscrivent à l’encontre du droit international". (...)

“Pourquoi appuyer une attaque militaire qui remet en cause les négociations ?”

Tout en apportant leur soutien à Israël en guerre, les dirigeants des trois pays continuent de pousser pour une résolution diplomatique de la crise.

Un paradoxe que ne manque pas de souligner Thierry Coville, chercheur à l’Iris spécialiste de l’Iran. Ce dernier se dit “surpris et interloqué” par ce positionnement (...)

Israël n’a jamais caché son opposition à ces négociations. En 2015, lorsqu’un accord avait été conclu entre les États-Unis, l’Iran et l’E3 – avant que Donald Trump n’en sorte trois ans plus tard –, Benjamin Netanyahu avait dénoncé devant le Congrès américain “un très mauvais accord”.

Une autre époque aussi pour la diplomatie européenne qui avait alors plus d’influence qu’actuellement, comme l’explique Pierre Berthelot, directeur de la revue Orients stratégiques et chercheur associé à l’Institut de la protection sociale européenne (IPSE) : “Il y a 10 ans, (la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni) étaient plus au cœur de l’action et de l’accord obtenu (...) alors qu’aujourd’hui, cette même diplomatie européenne est totalement marginalisée.” (...)

“Pas de réelle autonomie stratégique” de l’Europe

En plus de marges de manœuvre réduites, les trois États européens ne semblent plus perçus par Téhéran comme ayant une influence de poids. Une perte de crédibilité qui s’explique aisément, selon Thierry Coville, pour qui leur crédit a été entamé en 2018 : “La sortie de Trump de l’accord a été la première rupture dans cette stratégie européenne”, explique-t-il. “Quand l’Iran leur a demandé ce que (l’E3) comptait faire pour lutter contre les sanctions américaines, les Européens ont dit ‘on va faire des choses’... mais la réponse concrète n’a pas été à la hauteur.”

L’UE a bien tenté une riposte hasardeuse aux sanctions américaines, sans grand succès. Et à partir du retrait américain, l’Iran – fragilisé économiquement par les sanctions de Washington – a commencé à revenir sur ses engagements en matière d’enrichissement nucléaire. (...) (...)

Le rôle visiblement secondaire joué maintenant par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni permet de comprendre le positionnement ambigu des trois pays lors de l’attaque d’Israël sur le territoire iranien. Cette ligne de crête diplomatique a donné lieu à un “en même temps” d’Emmanuel Macron qui, tout en ne "partageant pas cette approche et la nécessité d’une opération militaire" a néanmoins fait valoir que ces frappes avaient eu "des effets qui vont dans le sens recherché".

“Le président français est dans une position délicate, il veut exister à l’international et a une marge de manœuvre réduite”, précise Pierre Berthelot. Plus généralement, cette perte d’influence européenne se constate sur le nucléaire iranien mais aussi dans d’autres dossiers comme la guerre en Ukraine. (...)