
On ne peut réduire une réforme à la doctrine (économique, néolibérale ou autre) des gouvernements qui l’importent dans un domaine ou un autre. Aussi ne comprend-on vraiment le fonctionnement d’une réforme qu’au travers du portrait des acteurs placés aux divers postes de décision, de la manière dont ils procèdent et des intérêts qu’ils y trouvent.
« Quel a été l’enjeu des réformes imposées à l’université et à la recherche depuis le début des années 2000 ? Instituer un pilotage politique de la science pour qu’elle se trouve orientée au bénéfice de l’“innovation” et de l’économie. Mettre en place une concurrence généralisée entre établissements, laboratoires et individus, de sorte que la distribution des ressources privilégie une supposée “excellence” et la conformité à des objectifs définis politiquement. En bref, c’est l’autonomie de la science et des savants que la réforme a attaquée de front. Passer d’un monde dans lequel les scientifiques constituaient une profession auto-organisée protégée des autres pouvoirs, à un autre où les pratiques scientifiques sont gouvernées par de nouveaux impératifs portés par des institutions hiérarchiques et centralisées : voilà ce que les réformes ont tendu à produire en France durant la quinzaine d’années qui nous intéresse. » (...)
Gouverner la science - Anatomie d’une réforme (2004-2020)
Christian Topalov -Joël Laillier - L’Ordre des choses