
Une partie de la presse occidentale, en reprenant sans distance les récits israéliens, tourne le dos aux journalistes palestiniens et aux victimes. Entre censures, omissions et propagande, le rôle premier du journalisme - témoigner, vérifier - vacille dangereusement. Fatigués de voir leurs récits déformés ou ignorés, certains journalistes palestiniens cessent de collaborer avec les médias occidentaux. Ils sont pourtant notre unique lien avec la réalité du terrain.
Gaza est devenu le conflit le plus meurtrier jamais connu pour les journalistes, selon la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la liberté d’opinion et d’expression. (...)
Plusieurs ont décidé, comme Hind Khoudary, journaliste basée à Gaza, de mettre fin à leur collaboration avec les médias occidentaux. Hind Khoudary explique sur X ne plus vouloir participer aux reportages des chaînes internationales, oubliés « dès le lendemain ». « Pour vous, nous ne sommes qu’un titre à la une, une tragédie à consommer, pas des collègues à defender », s’insurge-t-elle. Son avis est partagé par Bilal Gaith Ksawni, directeur de l’agence de presse palestinienne WAFa. « Dans de nombreux cas, l’histoire palestinienne est réduite à des titres ou des statistiques choquants (...) il existe un écart frappant entre ce que nous vivons ici et la manière dont l’histoire est racontée dans les médias occidentaux », confie-t-il à Blast.
« Es-tu journaliste ? » : une question qu’on ne pose qu’à Gaza
Pour Hind Khoudary, les journalistes palestiniens ne représentent pas de « vrais » collègues aux yeux de leurs confrères occidentaux. Le reproche est difficile à balayer. D’un côté, de nombreuses fausses informations ont circulé à toute vitesse dans les rédactions internationales après les massacres du 7 octobre (...)
De l’autre, quand il s’agit des événements de Gaza, les témoignages des journalistes palestiniens sur place sont systématiquement mis en doute, débattus, questionnés.
Alors que Joe Biden a pu affirmer sans preuve que des bébés avaient été décapités, les médias occidentaux estiment, eux, devoir questioner la crédibilité des témoignages palestiniens tant qu’ils ne les ont pas vérifiés par leurs propres moyens (...)
Pour nourrir l’idée que tous les journalistes arabes présents à Gaza seraient liés au Hamas, l’armée israélienne a mis en place une unité de renseignement discrète, baptisée « cellule de légitimation », selon une enquête du média +972. Sa mission : monter des dossiers accusant des reporters palestiniens de proximité avec le mouvement islamiste, afin de fragiliser leur crédibilité et pour que leurs témoignages soient discrédités avant même d’être examinés.
La complicité des grandes rédactions internationales
« Ceci est ma dernière volonté et mon dernier message. Si ces mots vous parviennent, sachez qu’Israël a réussi à me tuer et à faire taire ma voix », écrit Anas al-Sharif avant d’être tué par une frappe israélienne le 10 août. En octobre 2024, l’armée israélienne affirme qu’Anas al-Sharif est un combattant du Hamas depuis 2013. Les documents apportés comme preuve sont impossibles à authentifier et les liens prétendus entre ce journaliste et le Hamas sont contestés par Al Jazeera, par l’ONU et par plusieurs organisations internationales. Quelques mois plus tôt, Anas al-Sharif reçoit, auprès d’autres journalistes et pour l’agence de presse Reuters, un prix Pulitzer pour ses photos documentant la guerre à Gaza. Malgré cela, Reuters titre : « Israël tue un journaliste d’Al Jazeera qu’il considère comme un dirigeant du Hamas », reprenant sans distance la version israélienne.
Le quotidien allemand Bild va encore plus loin : il efface toute mention d’Israël et publie en une un article intitulé « Un terroriste déguisé en journaliste tué à Gaza ». (...)
Pour nourrir l’idée que tous les journalistes arabes présents à Gaza seraient liés au Hamas, l’armée israélienne a mis en place une unité de renseignement discrète, baptisée « cellule de légitimation », selon une enquête du média +972. Sa mission : monter des dossiers accusant des reporters palestiniens de proximité avec le mouvement islamiste, afin de fragiliser leur crédibilité et pour que leurs témoignages soient discrédités avant même d’être examinés.
La complicité des grandes rédactions internationales
« Ceci est ma dernière volonté et mon dernier message. Si ces mots vous parviennent, sachez qu’Israël a réussi à me tuer et à faire taire ma voix », écrit Anas al-Sharif avant d’être tué par une frappe israélienne le 10 août. En octobre 2024, l’armée israélienne affirme qu’Anas al-Sharif est un combattant du Hamas depuis 2013. Les documents apportés comme preuve sont impossibles à authentifier et les liens prétendus entre ce journaliste et le Hamas sont contestés par Al Jazeera, par l’ONU et par plusieurs organisations internationales. Quelques mois plus tôt, Anas al-Sharif reçoit, auprès d’autres journalistes et pour l’agence de presse Reuters, un prix Pulitzer pour ses photos documentant la guerre à Gaza. Malgré cela, Reuters titre : « Israël tue un journaliste d’Al Jazeera qu’il considère comme un dirigeant du Hamas », reprenant sans distance la version israélienne.
Le quotidien allemand Bild va encore plus loin : il efface toute mention d’Israël et publie en une un article intitulé « Un terroriste déguisé en journaliste tué à Gaza ». (...)
remettre en cause la version officielle, c’est prendre le risque de perdre ses accréditations, d’être privé d’entretiens, de ne plus être convié aux visites de terrain organisées par l’armée israélienne. C’est aussi s’exposer aux accusations publiques d’antisémitisme. Peu d’organes de presse veulent assumer ce coût-là.
Cette mécanique produit une conséquence redoutable : les mensonges sont répétés, amplifiés, jusqu’à devenir une vérité de substitution. Ils servent de paravent à des massacres et détournent le regard des crimes commis. Ils effacent les voix palestiniennes, celles de journalistes qui, sur le terrain à Gaza, risquent et perdent leur vie pour informer. (...)
Prise de conscience chez les journalistes occidentaux
Des journalistes occidentaux ont aussi mis fin à leur collaboration avec certains médias. C’est le cas de Valerie Zink, photographe indépendante canadienne travaillant pour Reuters, qui a annoncé sa démission après la mort de Hussam al-Masri. Elle accuse l’agence d’avoir permis les attaques contre les journalistes à Gaza en reprenant sans critique les affirmations israéliennes. Dans une interview accordée à Middle East Eye, elle affirme : « Il serait stupide de notre part de penser qu’il s’agit d’autre chose que d’organisations capitalistes motivées par le profit, qui se soucient davantage de leurs résultats financiers que des individus. »
Pour une ancienne pigiste du Point interrogée par Blast, il n’y a pas eu un déclic soudain, mais une « couverture tellement pro-Israël dès le début, sans ambiguïté » et qui a « trop duré », la poussant à mettre fin à sa collaboration avec le média. « Qu’est-ce que moi, pigiste, je pouvais faire pour changer cette couverture ? Absolument rien, j’étais face à un mur », confie-t-elle.
Elle se dit aujourd’hui « très déçue du manque de solidarité des journalistes occidentaux envers nos confrères palestiniens ». (...)
Amnesty International
Pétition Génocide à Gaza : la France doit mettre fin à l’impunité d’Israël