
Cela, du moins, ne pourra pas lui être retiré : en l’espace d’une petite vingtaine d’années, l’éditocrate Bernard-Henri Lévy, dit BHL, a considérablement progressé, dans sa maîtrise des affaires guerrières. Pour le vérifier, il faut remonter le temps, jusqu’en 2006.
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cette fois-ci, BHL, qui semble donc être devenu au fil des ans l’expert militaire qu’il reconnaissait ne pas être en 2008, se montre beaucoup plus affirmatif - et catégorique : selon lui « la riposte d’Israël n’est pas disproportionnée ». D’autres que lui, cependant, sont d’un avis très différent.
Génocide (...)
selon la plainte déposée par l’Afrique du Sud, l’intention génocidaire, dans cette sinistre affaire, « se déduit également de la nature et de la conduite des opérations militaires israéliennes à Gaza, au vu notamment de l’incapacité d’Israël à assurer ou permettre la satisfaction des besoins les plus élémentaires de la population palestinienne assiégée, qui a ainsi été poussée au bord de la famine ». Par surcroît, cette intention « s’infère aussi, très clairement », du « bombardement soutenu, pendant plus de onze semaines, de l’un des endroits les plus densément peuplés de la planète, qui a provoqué l’évacuation d’1,9 millions de personnes – soit 85 % de la population de Gaza – de leurs domiciles et leur regroupement dans des zones toujours plus réduites, sans abris convenables, et où elles continuent à être attaquées, tuées, blessées ».
Bilan : « Israël a déjà tué », lorsque l’Afrique du Sud dépose sa plainte, « plus de 21 110 Palestiniens identifiés, dont 7 729 enfants – plus de 7 780 autres sont portés disparus, présumés morts sous les décombres – et en a blessé 55 243 autres, auxquels de graves meurtrissures physiques et mentales ont été infligées ».
Par ailleurs, « Israël a également dévasté de larges pans de Gaza » (...) tout en menant un assaut incessant contre le système palestinien de santé et de soins ».
En somme, « Israël a transformé – et continue de transformer Gaza en un champ de ruines, tuant, blessant et détruisant son peuple, et lui imposant », martèlent une fois de plus les auteurs de la plainte, « des conditions d’existence visant à entraîner sa destruction physique totale ou partielle » (...)
Francesca Albanese, rapporteure spéciale de l’ONU sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens illégalement occupés par Israël depuis 1967 et excellente connaisseuse de la réalité palestinienne, publie un rapport dont la presse et les médias français, curieusement, ne vont que très peu parler, et dont le titre, lapidaire, dit l’extrême sévérité : « Anatomie d’un génocide. » Elle écrit, dans ses conclusions, que « la nature et l’ampleur écrasante de l’assaut israélien sur Gaza et les conditions de vie destructrices qu’il a provoquées révèlent une intention de détruire physiquement les Palestiniens en tant que groupe ».
Selon elle, il existe des « motifs raisonnables » de croire qu’Israël a commis plusieurs actes de génocide contre les Gazaouis (...)
Puis Francesca Albanese précise que « ces actes ont été approuvés et rendus possibles par les intentions génocidaires exprimées publiquement par plusieurs hauts responsables israéliens ».
Le 28 mars, trois jours après la publication de cet accablant rapport : la Cour internationale de justice, dans une nouvelle ordonnance, enjoint Israël de prendre, en tant que signataire de la Convention sur le génocide, des mesures pour assurer la livraison de l’aide destinée aux Gazaouis. Cela commence à faire beaucoup, mais Bernard-Henri Lévy, décidément devenu très sûr de son expertise - et certain qu’elle surpasse en pertinence et qualité celles des plus hautes instances humanitaires et judiciaires de l’ONU -, décrète, le 4 avril, sur France 3 : « Il n’y a pas de génocide à Gaza, il n’ ya pas de massacre délibéré des populations civiles. »
Cette assurance lui vient peut-être de ce qu’il est loin d’être seul à proférer de tels jugements au sein de l’éditocratie française (...)
De nombreuses voix se sont élevées, pour s’étonner ou s’irriter de cette forte initiative du procureur de la Cour pénale internationale, qui fait, depuis le 20 mai, l’objet d’attaques d’une extraordinaire virulence : elles nous rappellent utilement que d’après le dictionnaire Larousse, le négationnisme, « doctrine niant la réalité du génocide des Juifs par les nazis », désigne aussi, « par extension », le déni « d’autres génocides ou de certains massacres à grande échelle ».