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AfriqueXXI
GABON-GUINÉE ÉQUATORIALE. LA CIJ INVOQUE LES FRONTIÈRES COLONIALES DANS SA DÉCISION
#Afrique #frontieres #colonisation #CIJ
Article mis en ligne le 2 juin 2025

Vingt hectares de végétation luxuriante et de sable blanc, une eau turquoise et le nœud d’une bataille juridique censée avoir pris fin le 19 mai : l’île de Mbanié, située à trente kilomètres au large des côtes du Gabon, appartiendrait donc bien à son voisin, la Guinée équatoriale, a tranché la Cour internationale de justice (CIJ) dans une décision rendue sur un différend frontalier vieux de cinquante-trois ans. Malabo récupère aussi les îlots de Cocotiers et de Conga.

L’appartenance de ces îles se traduit par celle de larges zones maritimes potentiellement riches en pétrole et en gaz, alors que la Guinée équatoriale voit sa production d’or noir et ses revenus, qui en dépendent largement, s’effondrer depuis plusieurs années. Les spéculations sur les richesses potentielles autour de ces îlots ne sont pas nouvelles. C’est d’ailleurs ce qui avait poussé la France à inciter Omar Bongo Ondimba, président du Gabon de 1967 à 2009, à revendiquer Mbanié. En 1972, il avait planté le drapeau du Gabon sur l’île, provoquant l’ire de son voisin, une ancienne colonie espagnole alors dirigée par le sanguinaire Francisco Macías Nguema (il aurait décimé près d’un quart de la population entre 1968 et sa chute, en 1979).

À cette époque, la France joue double jeu. (...)

Au-dessus de ce vieux contentieux de Mbanié a toujours plané l’ombre de la colonisation.

On retrouve l’histoire coloniale encore plus loin dans la décision de la CIJ qui statue sur trois points : la frontière terrestre, la frontière maritime et l’appartenance des îles. Concrètement, la Cour devait décider sur la base de quels accords historiques devait être arbitré le différend territorial entre les deux pays. Si les deux parties entendent respecter la décision issue de la recherche d’un compromis juridique entamée au début des années 2000, le jugement crée un nouveau contentieux potentiel.

En effet, la Cour a estimé que le tracé des frontières arrêté le 27 juin 1900 par la France et l’Espagne dans le cadre de la « Convention spéciale sur la délimitation des possessions françaises et espagnoles dans l’Afrique occidentale, sur la côte du Sahara et sur la côte du golfe de Guinée » est la base juridique légale sur laquelle s’appuyer. Elle a par ailleurs conclu que « le titre détenu par le Royaume d’Espagne au 12 octobre 1968, qui a été transmis à la République de Guinée équatoriale par voie de succession », était le seul valable concernant la souveraineté de Malabo sur les îles.

Elle rend de ce fait caduc un accord sur la frontière terrestre conclu en 1972 entre les deux pays et qui suivait le cours de la rivière Kyé, du côté d’Ebebiyín et de Mongomo, deux villes frontalières de Guinée équatoriale : une frontière « naturelle » plutôt qu’une ligne droite coloniale arbitraire. Or voici que la CIJ relégitime cette dernière.

En application de sa décision, la frontière devra reculer à l’intérieur de la Guinée, qui devra rétrocéder au Gabon plusieurs zones s’enfonçant, pour certaines, de centaines de kilomètres. L’une des régions concernées n’est pas anodine : Mongomo est le fief du clan des Essangui, auquel appartient la famille au pouvoir depuis 1968 : les Nguema (Francisco Macías Nguema puis son neveu, actuel président, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo).

De la taille d’un village jusqu’au début des années 2000, Mongomo est devenu une petite ville de 10 000 habitants sous vidéosurveillance, avec un palais présidentiel (où la famille présidentielle et ses fidèles se retrouvent pour de fastueuses fêtes de fin d’année), un stade de football, un hôtel 5 étoiles et une basilique, la deuxième plus grande d’Afrique après celle de Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire. D’après le tracé colonial, la ville de Mongomo restera en Guinée mais sera désormais complètement accolée à la frontière, privée des vastes étendues qui la séparaient de son voisin.

Les discussions entre les deux pays ne sont donc pas terminées. (...)