« Il faut nous dépouiller, un préjugé à la fois, de tous les fardeaux que chacun de nous porte, pour aller chaque jour un peu plus à la rencontre de la vérité » (p. 147)
Il est des livres plus essentiels que d’autres au moment où se joue – et depuis longtemps déjà – dans un coin du monde, en l’occurrence Palestine/Israël, l’avenir de « l’humanité » de notre humanité : ce livre est celui de Francesca Albanese dont on sait qu’elle fut pressentie pour le Nobel de la paix, dans la lignée déjà lointaine de Pérez Esquivel (1980), Desmond Tutu (1984), Wole Soyinka (1086), pour ne nommer que ceux-là. Mes impressions de lecture que je vais consigner ici ne peuvent donner la richesse de l’ouvrage qui demande une lecture personnelle de chacun.e d’entre nous car l’autrice interpelle et appelle avec force pour nous pousser à confronter nos conforts et nos monstres cachés. Elle nous exhorte à prendre modèle sur les Palestiniens en mettant en avant trois motifs essentiels : la dignité malgré la souffrance ; la beauté, malgré le désastre et la vérité, malgré l’emprisonnement.
Un duo, elle-même et sa traductrice, Simonetta Greggio, est présenté en ouverture. L’incompréhension pour elle – qui explique en partie l’écriture de ce livre – est l’indifférence face à l’élimination qui se déroule sous les yeux du monde ; et, comme elle l’a déclaré lors de son intervention devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 30-10-2024, l’absence d’empathie pour les Palestiniens. (...)
Elle précise que le livre est écrit au moment où les Etats-Unis ont pris une sanction contre elle, le 9 juillet 2025, en ajoutant son nom à la liste des « ressortissants spécialement désignés ». Elle récuse l’accusation d’antisémitisme qu’on lui oppose alors qu’elle dénonce, en juriste du droit international, les violations des droits de la personne commises contre les Palestiniens. Précisons qu’elle a été nommée en mai 2022, « Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les territoires palestiniens occupés ». Elle est la 8ème à occuper ce poste et la première femme. Pour elle, l’accusation d’antisémitisme est à la fois fausse et grave en ce qu’elle dessert les communautés juives à travers le monde. (...)
Elle a ressenti la nécessité de remettre en cause les récits que le pouvoir met en circulation. Elle a été quatre années au Haut Commissariat des Nations Unies dans le monde arabe et l’Asie du Sud Est. Puis, elle s’est installée en Palestine, au sein de l’UNRWA (Agence de l’ONU dédiée aux réfugiés palestiniens, créée en 1949 après la Nakba) : « je réalisais un rêve que je portais depuis longtemps ». Elle est alors mise face à ses contradictions : « juriste onusienne dans la ville occupée de Jérusalem, je me débattais chaque jour avec la dissonance entre les principes du droit international – égalité, justice, dignité – et la réalité brutale des rapports de force. (…) Cette contradiction m’a finalement poussée à quitter l’ONU, tout en poursuivant mes recherches de manière indépendante ». (...)
Reprenant une expression d’Edward Saïd, elle se veut le « témoin véridique » : « Pour moi, l’impartialité ne signifie pas l’indifférence : elle implique d’enquêter avec rigueur, de confronter les faits au droit, et de dire la vérité au pouvoir, même lorsqu’elle dérange. En Palestine, cela revient à dévoiler l’asymétrie profonde entre occupant et occupé, colonisateur et colonisé, et à montrer comment des décennies de dépossession ont fini par être normalisées par une communauté internationale trop souvent impuissante ». Elle affirme que le changement ne pourra advenir que par la solidarité de tous. (...)
Pour elle désormais, la priorité est « le respect des obligations internationales et non la définition abstraite de ce que devrait être la paix. Mettre fin à l’occupation, stopper la colonisation et bloquer toute annexion : telles sont les exigences inscrites dans le droit international ».
Elle termine ce parcours par la présentation des dix personnes dont le récit et les actions composent les dix chapitres suivants. Elle réaffirme qu’à certaines conditions, la paix au Moyen-Orient est possible (...)
Elle espère que son livre, qui a rencontré un grand succès en Italie, poursuivra, grâce aux traductions « sa capacité à susciter un élan collectif en faveur de la justice », par un effet papillon. « Lorsque le monde s’endort, c’est à nous, peuples, de le réveiller ». (...)