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Européennes : des "voies d’immigration légales" sont-elles possibles au niveau européen, comme le souhaite Raphaël Glusckmann ?
#migrants #immigration #UE
Article mis en ligne le 4 mai 2024

La tête de liste du Parti socialiste aux élections européennes de juin souhaite la mise en place de "voies d’immigration légales" en Europe avec "des quotas en fonction des besoins des économies européennes". Mais une telle mesure est-elle applicable au niveau européen ? InfoMigrants fait le point.

(...) Selon Raphaël Glucksmann, les "voies d’immigration légales" sont "non seulement notre besoin", mais cela "permet une venue sûre, pas sur les canots qui se noient en Méditerranée".

De quoi parle-t-on ?

En France, les principales voies légales d’immigration concernent les personnes venues par regroupement familial, au titre d’un visa étudiant ou d’un passeport talent pour les travailleurs qualifiés. (...)

Des accords bilatéraux, comme avec le Maroc, permettent également aux travailleurs saisonniers de venir temporairement en France le temps de la récolte.

Dans son interview à France Info, Raphaël Glucksmann semble vouloir démocratiser cette "immigration de travail" au sein de l’Union européenne (UE) pour pallier la pénurie de main-d’œuvre dans les métiers en tension (bâtiment, aide à la personne…). Il souhaite que cette compétence ne révèle plus uniquement des États membres mais d’un cadre établi par l’UE.
Est-ce réalisable ?

Selon François Héran, professeur au Collège de France et titulaire de la chaire Migrations et sociétés, cette proposition est "quasiment impossible" à réaliser. "Chaque pays tient à maintenir sa souveraineté sur sa politique migratoire", estime-t-il.

Les questions migratoires sont, majoritairement, de la compétence des États membres. Même si des règles communes existent (comme le visa Schengen), chaque pays adopte ses propres lois en matière d’immigration. (...)

Dès qu’il s’agit d’immigration, l’Union européenne se montre toujours profondément divisée. Le Pacte Asile et migration en a été la plus récente illustration : il a fallu plus de trois années d’âpres négociations avant qu’il ne soit adopté fin 2023. Et malgré sa signature à la majorité qualifiée (et non à l’unanimité), rien ne permet d’affirmer que chaque État membre le respectera. (...)

Dans ce contexte, difficile d’imaginer comment les Vingt-Sept puissent trouver un accord sur des "voies d’immigration légales".
Est-ce que cette proposition permettrait de freiner les arrivées irrégulières en Europe ?

Pour Matthieu Tardis, co-directeur au sein du centre de recherches Synergies migrations, la proposition de la tête de liste du PS aux Européennes n’est pas "la solution miracle aux arrivées irrégulières". (...)

Le chercheur plaide plutôt pour un meilleur accès aux visas au titre de l’asile - un document qui permettrait à un demandeur d’asile depuis un pays tiers de rejoindre en sécurité un pays de l’UE et de demander le statut de réfugié une fois arrivé. En théorie, les personnes en danger dans leur pays peuvent demander ce document dans les ambassades françaises. Mais dans les faits, ce visa est difficile à obtenir pour une grande majorité des exilés.

En ce qui concerne les visas de travail, là aussi, la proposition de Raphaël Glucksmann ne convainc pas Matthieu Tardis. Le chercheur estime que les personnes pouvant bénéficier de visas pour motifs professionnels ne sont pas les mêmes que celles qui prennent des routes irrégulières, et risquent leur vie en Méditerranée. (...)

Même son de cloche du côté de François Héran : "Les chances d’obtenir un visa sont liés à la position sociale, aux ressources, aux réseaux" d’un étranger (...)

A l’instar de Raphaël Gluscksmann toutefois, les deux spécialistes critiquent la politique française "extrêmement restrictive" en matière de visa et réclament une refonte de son système d’attribution.

"Plus on ferme les frontières, plus on augmente les passages clandestins et plus on enrichit les passeurs" conclut François Héran. "Cela vaut le coût d’essayer d’avoir un politique migratoire plus ouverte, qui ne consiste pas à accueillir tout le monde mais qui répond davantage aux besoins des exilés et à ceux du marché du travail français".