
La croissance du PIB s’est brusquement stoppée au premier trimestre, avec un recul de 0,3 % en rythme annuel. Le commerce extérieur s’est fortement dégradé, alors même que les importateurs ont reconstitué leurs stocks. Le risque de récession est réel.
L’effet Trump a tout emporté sur son passage. Y compris la croissance. Mercredi 30 avril, le Bureau d’analyse économique (BEA) a publié la première estimation de la croissance du produit intérieur brut (PIB) de la première puissance économique mondiale. Sur les trois premiers mois de l’année, il s’est contracté de 0,3 % en rythme annualisé (soit une baisse réelle de 0,07 %). On est certes plus proche de la stagnation que de la récession, mais c’est néanmoins la première baisse trimestrielle du PIB depuis le premier trimestre 2022.
À la fin de l’année 2024, l’économie états-unienne maintenait un rythme de croissance soutenu (+ 2,9 % sur un an), porté par les dépenses publiques et la consommation des ménages. Le chiffre du premier trimestre 2025 marque donc un réel coup d’arrêt de l’activité économique, causé en grande partie par l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. (...)
Le détail des chiffres ne laisse planer aucun doute à ce sujet. Devant la menace des droits de douane qui s’est (partiellement) concrétisée le 2 avril, les agents économiques états-uniens se sont empressés, au cours du trimestre, d’importer massivement des biens et de constituer des stocks. Résultat : les importations de biens ont bondi au premier trimestre de 50,9 % annualisé (+ 12,8 % réellement). Du jamais-vu depuis 1972.
Cette fièvre d’approvisionnement a creusé le déficit commercial états-unien à un niveau record. (...)
Il existe cependant des contreparties à cette situation. Les entreprises ont massivement acheté des équipements qu’elles considèrent menacés par les droits de douane, et donc susceptibles de devenir plus chers ou moins disponibles. Cela a conduit à une explosion de l’investissement privé, qui augmente de 21,9 % annualisés sur le trimestre. Les équipements informatiques représentent 91 % de la croissance des investissements fixes.
Une partie des importations a donc été directement utilisée pour renouveler le matériel et éviter de le faire dans les mois à venir. Mais la majorité de ces équipements ont été stockés. (...)
Tout cela ressemble bel et bien à de la panique.
Ralentissement général
La folie importatrice de ces trois premiers mois a donc, globalement, réduit le PIB de 1,2 point, mais elle a surtout hypothéqué la croissance future. Ce qui a été stocké ou déjà dépensé ne sera pas fabriqué ni vendu dans les prochains trimestres. Autant dire que le scénario de réindustrialisation de Donald Trump n’est pas à l’ordre du jour. En raison de l’incertitude globale, les investissements de « structure », longtemps soutenus par les aides de Joe Biden, n’ont augmenté que de 0,1 % annualisé sur le trimestre, et les achats d’équipements industriels ont même reculé de 0,3 % annualisé. (...)
Vers la récession ?
In fine, l’économie états-unienne s’est donc préparée pour le choc des droits de douane, notamment ceux frappant les produits venus de la Chine, qui reste un fournisseur important. Les stocks ont été reconstitués et une partie du matériel renouvelée. Ces mesures ont, en retour, favorisé les exportations chinoises et du Sud-Est asiatique entre novembre et février. Mais désormais, il semble que l’économie mondiale rentre dans le dur. L’indice PMI Caixin manufacturier a, mercredi 30 avril également, indiqué que le secteur industriel chinois était entré en récession en mars. Aux États-Unis, les indicateurs avancés, eux, sont peu rassurants. (...)
une fois les droits de douane mis en place, l’économie pourrait se mettre à l’arrêt : les entreprises vont réduire leurs dépenses et vider leurs stocks, tandis que les consommateurs vont se montrer très prudents.
Logiquement, l’économie états-unienne ne devrait pas échapper à la récession. (...)
Donald Trump a fêté bruyamment ses cent jours au pouvoir et continue de promettre une « économie plus forte que jamais ». Dans la logique libertarienne, il ne s’agit que d’un mauvais moment à passer pour renforcer l’économie. Mais la réalité semble bien éloignée de ce rêve (...)
Dans le capitalisme contemporain, les récessions ne renforcent pas le rythme global de croissance, mais bien au contraire, l’affaiblissent durablement. La possibilité d’une réindustrialisation massive des États-Unis semble improbable et la vulnérabilité de cette économie aux chaînes de valeur internationales a été construite depuis quatre décennies. (...)
Sur une population encore traumatisée par l’inflation des années 2022-2023, l’effet ne pourra pas être anodin.
Au-delà de ces grands mouvements, l’économie états-unienne a connu un ralentissement brutal. Certes, la consommation des ménages continue de progresser, mais la cassure est nette. (...)
La consommation s’est donc réduite au strict minimum : les services essentiels et les dépenses contraintes. (...)