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“Enraciner la démocratie en Afrique ?” Un livre à découvrir
#Afrique #démocratie
Article mis en ligne le 2 août 2024

Dans l’ouvrage collectif Enraciner la démocratie en Afrique ? Paroles d’intellectuels, le chercheur en philosophie Roger Ekoué Folikoué et la maîtresse de conférences en sciences de l’éducation Maryse Adjo Quashie, tous deux issus de l’université de Lomo au Togo, ont sollicité les contributions d’une dizaine d’universitaires pour débattre de l’effectivité de la démocratie en Afrique, après plus de trois décennies d’échec. L’enracinement de ce modèle politique sur le continent est-il possible ? Si oui, à quelles conditions ? Roger Ekoué Folikoué nous répond.

Comment ce projet d’ouvrage collectif a-t-il vu le jour ?

Roger Ekoué Folikoué : Il y a tout d’abord le constat de l’échec du concept de parti unique en Afrique. Cela a provoqué l’espoir de trouver, dans le régime démocratique, un régime du respect des droits individuels qui mettrait l’homme au cœur. Le discours de La Baule en 1990 [dans lequel le président français François Mitterrand a subordonné l’aide française à l’introduction du multipartisme, ndlr] était porteur d’espoir. Mais rapidement, la démocratie est devenue un système imposé par l’Occident pour conditionner la poursuite de l’aide économique. Aujourd’hui, c’est une arlésienne. De jeunes gens impatients se demandent s’il ne faut pas la rejeter. (...)

exemple togolais. Les chefs d’État ont compris qu’il était possible de mettre en place des élections sans tenir leurs promesses par la suite. Ils ont réduit la démocratie à ces élections. Elles ne sont, en réalité, qu’un habillage politique. Comment voulez-vous que les gens croient à un tel système ? Au Togo, on a organisé énormément d’élections législatives et présidentielles, tout en détournant ces dernières de leurs véritables buts. Le désenchantement démocratique vient du fait que les outils proposés ne jouent pas leur rôle. (...)

Regardez le Mali, le Burkina Faso, le Niger : les élections n’ont rien donné. La prétendue démocratie y a été un jeu pour confisquer le pouvoir par un clan. Et dans ce cas, les coups d’État sont inévitables. Mais ils ne doivent pas être interprétés comme un refus de la démocratie. Ils symbolisent plutôt le rejet d’une forme de démocratie qui n’est pas réelle.
Comment évaluez-vous l’impact de la colonisation sur cette perception actuelle de la démocratie en Afrique de l’Ouest ?

Dans le système de la colonisation, ce qui est remis en cause, c’est l’humanité de l’Africain. Aujourd’hui, une forme de condescendance à son égard persiste. Dans l’imaginaire, quelque chose n’a pas changé. Les droits de l’homme ne peuvent pas opérer. Les peuples africains ont soif de regards qui les valorisent. Malheureusement, je ne crois pas que l’Occident nous considère comme des partenaires, car un partenariat implique un principe d’égalité (...)

Est-ce que la langue française joue un rôle dans cette perpétuation ?

Évidemment. La francophonie lutte pour ne pas disparaître. Mais pourquoi ceux qui défendent cette francophonie ne soutiennent-ils pas les langues régionales des pays africains, alors même qu’ils luttent contre l’hégémonie de l’anglais ? La langue est une puissance, elle renvoie à des cultures, à des imaginaires. On ne peut pas encourager le développement sans questionner le poids de la langue.
Y a-t-il un pays, en Afrique subsaharienne, que vous citeriez comme modèle démocratique ?

Je n’en vois pas. On a longtemps cité le Bénin. Il est vrai que cet État a réussi, avec le président Mathieu Kérékou [au pouvoir de 1972 à 1991, ndlr], à éviter un bain de sang lors de la passation du pouvoir. L’alternance a été pacifique. Mais, depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon en 2016, on recommence à voir des partis politiques qui ne jouent pas leur rôle. En réalité, dans cette région du monde, la culture démocratique n’est pas installée. Il faut du temps et des institutions pilotées par des hommes de conviction, par des hommes forts au sens juridique, qui soient en mesure de maintenir l’État de droit. C’est le seul chemin possible.