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Mediapart
En Israël, forte mobilisation en faveur d’un accord pour un cessez-le-feu
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza
Article mis en ligne le 4 septembre 2024
dernière modification le 3 septembre 2024

La mobilisation populaire pour un accord de cessez-le-feu avec le Hamas a trouvé un nouveau souffle après la découverte des corps de six otages tués dans la bande de Gaza. Benyamin Nétanyahou ne semble cependant pas décidé à infléchir son intransigeance.

« Nétanyahou a leur sang sur ses mains », « Nous ne les abandonnerons pas dans Gaza », « Tous [les otages], maintenant », « Arrêtez la guerre à Gaza, maintenant » : des slogans hurlés à pleins poumons surgissent derrière la voix d’Ornit Cohen Barack, éditrice littéraire, en pleine conversation téléphonique avec Mediapart. Cette représentante de plusieurs familles d’otages se trouve à ce moment-là, en fin de matinée lundi 2 septembre, rue Kaplan à Tel-Aviv, haut lieu des mobilisations contre le premier ministre, Benyamin Nétanyahou.

Ce lundi, Israël est en grève. Une grande partie du secteur public comme du privé a cessé le travail (...)

à l’appel de la Histadrout, principale confédération syndicale du pays. Avec un mot d’ordre très politique : forcer la main du gouvernement pour qu’il signe avec le Hamas l’accord de cessez-le-feu permettant l’arrêt des hostilités, la libération des otages détenu·es par le Hamas et d’autres factions dans la bande de Gaza, et la libération de prisonniers palestiniens. (...)

L’implication de la grande machine syndicale, très puissante, est un fait majeur. Depuis plusieurs mois, les proches des otages opposés à la politique du premier ministre – certains soutiennent ce dernier – demandent un tel engagement. Ils avaient reçu une fin de non-recevoir. Jusqu’au dimanche 1er septembre.

L’annonce, dimanche matin, de la découverte par l’armée israélienne, dans un tunnel de Rafah, des corps de six otages israélien·nes, a fait changer d’avis le dirigeant de la confédération syndicale, Arnon Bar-David, qui a appelé à cet arrêt de travail dans tous les secteurs et tout le pays. (...)

L’émotion a été d’autant plus puissante en Israël que cinq d’entre eux n’avaient qu’une vingtaine d’années. La colère a surgi fortement puisque l’un d’eux, Hersh Goldberg-Polin, également citoyen américain, 23 ans, figurait dans la liste des otages libérables lors de la première phase de l’accord de cessez-le-feu, dont la conclusion ne cesse d’être repoussée.

« Il n’est pas inutile de rappeler le calendrier : depuis le mois de mai, une proposition d’accord attribuée à Nétanyahou était sur la table, que Biden a rendue publique afin d’acculer l’homme dont il ne pensait pas qu’il tiendrait sa parole, résume cruellement Ravit Hecht dans le quotidien Haaretz. Après que le Hamas a accepté la proposition en juillet, Nétanyahou a créé de nouveaux obstacles sous la forme des corridors de Philadelphie et de Netzarim […] affirmant qu’il y avait encore du temps pour continuer à négocier. La réponse à cette affirmation est arrivée dimanche. » (...)

Benyamin Nétanyahou, accusé depuis des mois de surenchère permanente pour faire capoter les négociations, voit aujourd’hui déferler contre lui une grande partie du pays.

« Depuis des mois, nous manifestons tous les jours, mais il est vrai que le nombre de personnes diminuait un peu plus à chaque fois, explique Ornit Cohen Barak. Les gens avaient le sentiment que ça ne servait à rien et se lassaient. L’annonce des exécutions a tout changé. Ils sont massivement descendus dans les rues, et dans tout le pays. » (...)

Dimanche soir, un demi-million d’Israélien·nes manifestaient à Tel-Aviv, bloquant le périphérique et se heurtant à la police montée, résistant aux canons d’eau pestilentielle – d’habitude utilisés contre les Palestinien·nes – et aux arrestations. Et 200 000 manifestaient ailleurs sur le territoire.

Nétanyahou n’a aucune intention de céder et de faire le moindre geste en direction d’un accord. Il faudra une très forte pression, interne et externe, pour le faire changer d’attitude.
Menachem Klein, professeur de science politique

(...)

Une bonne partie de l’opinion publique est persuadée que la stratégie de l’armée israélienne de pression maximale sur le Hamas a coûté la vie aux otages. Le ministre de la défense, Yoav Gallant, est cependant épargné par les critiques qui, rapporte le journal Haaretz, attaquent avec virulence le premier ministre, Benyamin Nétanyahou (...)

Rien ne permet d’affirmer cependant que ces pressions inédites par leur ampleur auront le moindre effet sur Benyamin Nétanyahou. Le premier ministre israélien est partisan de la guerre à outrance pour des raisons personnelles, car la poursuite des opérations militaires retarde une commission d’enquête sur ses responsabilités et un éventuel procès. Il l’est aussi pour des raisons politiques, car ses alliés d’extrême droite menacent de faire exploser sa coalition en cas d’accord de cessez-le-feu. Il l’est enfin, et peut-être surtout, pour des raisons idéologiques, étant farouchement opposé à tout processus de négociation avec les Palestiniens et ne faisant plus mystère de sa volonté de briser toute possibilité d’une solution à deux États. (...)

Réputé pour son habileté politique, le premier ministre israélien ne manque pas de ressources. Une partie des familles des otages serre les rangs derrière lui. Ses alliés d’extrême droite mobilisent facilement leurs réseaux, notamment dans les colonies.

Lundi 2 septembre, en fin de matinée, alors que des groupes de manifestant·es anti-Nétanyahou bloquaient les routes un peu partout dans le pays, un rassemblement de soutien avait lieu devant les bureaux du premier ministre à Jérusalem. (...)

Preuve de l’absence totale d’inflexion, l’armée israélienne poursuit ses raids massifs en Cisjordanie, avec des méthodes qui rappellent, à une moindre échelle, celles utilisées dans la bande de Gaza. Des habitant·es du camp de Jénine, assiégé et réoccupé, ont dû quitter leur domicile pour trouver refuge en ville ou dans des villages alentour. Des rues et des ronds-points de Jénine et de Tulkarem ont été totalement détruits au bulldozer ; des hôpitaux, assiégés. Depuis le début de ces opérations militaires le 28 août, trente Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne. (...)