
Un rapport de la chambre régionale des comptes étrille la gestion du Mémorial ACTe, qui échoue à « faire de la Guadeloupe la capitale mondiale de la recherche sur la traite négrière et l’esclavage ». Il met aussi en cause « l’ingérence » de la région.
L’ambition de départ était grande. Le Mémorial ACTe, également appelé Centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage, voulait « rassembler toutes les mémoires et faire que ce lieu soit un lieu de réconciliation, mémoire des esclaves, mémoire des Antilles, mémoire des Africains, mémoire des Français ». Mais ces mots, prononcés lors de l’inauguration en 2015 par le président François Hollande, semblent désormais résonner dans le vide. Aujourd’hui, le Mémorial ACTe (MACTe) brille surtout par son incapacité de faire face à ses missions.
Un rapport de la chambre régionale des comptes, publié le 20 novembre 2023, estime que sur au moins 40 % de la période allant de juillet 2019 à fin 2022, « le public n’a pas eu accès à l’exposition permanente » du centre. Une estimation, précise le document, faite à partir de « données issues des réseaux sociaux » et qui ne sont pas exhaustives – faute de données fiables transmises par l’établissement lui-même. (...)
Selon les magistrats, le MACTe « ne répond pas aux ambitions de son projet initial de faire de la Guadeloupe la capitale mondiale de la recherche sur la traite négrière et l’esclavage ». Outre le constat de collections qui s’abîment et de la qualité déclinante de l’offre du musée, ils énumèrent les raisons de cet échec : pas d’intégration dans un projet global dédié à l’histoire esclavagiste, une « réduction des espaces consacrés à l’accueil du public », l’absence d’un comité scientifique, l’absence de comité social et économique (CSE), un dialogue social dégradé, des finances et des comptes « insincères », une gestion qui « présente des risques majeurs financiers de contentieux et de fraudes »... En résumé, une gestion administrative chaotique, qu’un conflit entre les têtes dirigeantes du musée a également mise en lumière.
La directrice générale évincée (...)
« L’ingérence » de la région (...)
la région utilise des espaces du domaine du MACTe pour ses événements, comme la course à la voile la Route du Rhum, tout en encaissant les recettes de cette exploitation. Autre exemple : les travaux du bâtiment, directement pris en charge par le budget régional, au lieu de l’octroi d’une contribution supplémentaire pourtant prévue dans les statuts.
La chambre note un conseil d’administration « irrégulièrement constitué », aux missions non respectées, qui se confondent avec celles de la direction générale, l’empêchant de mener à bien ses missions culturelles mais aussi généalogiques, puisque le MACTe avait un département dédié à la recherche des origines des descendant·es d’esclaves. (...)
L’avenir du MACTe
« On doit faire le constat que pas un seul des satellites de la région n’a échappé à de graves crises de gouvernance depuis 2015 » (...)
on veut jouer l’apaisement : désormais une nouvelle directrice générale est à l’œuvre, éloignée du conflit, qui est un « quiproquo » : « On a fait voter les budgets, on va modifier les statuts pour bien déterminer le rôle du CA, relancer le comité scientifique et les instances du personnel, refaire les conventions, changer le bail du restaurant » (...)
La région entend « réviser la copie » et formule déjà la promesse d’une nouvelle exposition, reprenant des ambitions de l’ancienne direction. Pour autant, une vision politique muséale durable et aboutie peine à émerger dans le discours de l’exécutif régional.
L’État, lui, reste mutique. (...)
Le président Emmanuel Macron avait pourtant promis de faire du centre guadeloupéen « un maillon essentiel d’un réseau en Europe, dans la Caraïbe et les deux Amériques autour des questions mémorielles ».