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Libération
« En France, les violences policières contre les activistes de l’environnement et du climat sont massives »
#activistes #ecologie #France #repression
Article mis en ligne le 7 janvier 2025
dernière modification le 4 janvier 2025

Spécialiste de l’activisme climatique, le politologue Oscar Berglund documente dans une étude inédite la répression à laquelle font face les mouvements écologistes. Un phénomène mondial qui touche aussi l’Hexagone.

(...) Quelle conclusion offre cette étude comparative

On observe une intensification mondiale de la répression lors des rassemblements durant la période que l’on a étudiée, c’est-à-dire entre 2012 et 2023, y compris dans des pays démocratiques comme le Royaume-Uni, la France ou l’Allemagne. Partout, les défenseurs de l’environnement et du climat subissent une violence systémique, orchestrée par les Etats, parfois en collusion avec des intérêts privés. Cette surcriminalisation révèle une profonde injustice, car les responsables des pollutions, de la crise climatique ou de l’effondrement de la biodiversité, eux, échappent souvent aux poursuites. (...)

Pourquoi établir une distinction entre défenseurs de l’environnement et du climat ?

Même si certains participent à ces deux formes de luttes, les activistes environnementaux, opposés à des projets industriels ou agricoles, subissent davantage de violences. On se fait plus fréquemment tabasser par la police en manifestant en zone rurale contre l’extension d’une mine, d’un puits de pétrole ou la construction d’un barrage, qu’en marchant pour le climat dans le centre d’une grande ville. Une femme indigène en guerre contre la déforestation au Brésil court plus de risques qu’un jeune d’Extinction Rebellion lors d’un rassemblement devant le Parlement de Westminster à Londres.

Comment se manifeste la répression à travers la planète ?

Quatre grands mécanismes sont à l’œuvre. Tout d’abord, du Royaume-Uni à l’Australie en passant par les Etats-Unis, on assiste à une augmentation alarmante des lois répressives, notamment celles contre les manifestations, avec l’introduction de nouveaux délits, ou l’aggravation des sanctions pour des infractions existantes.

Deuxièmement, des législations antiterroristes ou anticriminalité organisée sont, en Allemagne, en Espagne ou aux Etats-Unis, détournées de leurs objectifs initiaux pour être utilisées contre des militants écologistes. Cela conduit à une dépolitisation des débats judiciaires ; parfois, il est interdit de mentionner le réchauffement ou les dégâts environnementaux devant les tribunaux.

Troisièmement, dans certains pays, la police ou l’armée, mais aussi des acteurs non étatiques comme des sociétés de sécurité privées ou des mafias, infiltrent les mouvements de protestation, empêchent des manifestations de se tenir, menacent, fouillent ou brutalisent des activistes.

Enfin, les mêmes acteurs vont jusqu’à assassiner et faire disparaître des activistes. Ces actes, courants dans certains pays du Sud après des menaces de mort ou d’autres formes d’intimidation, constituent une forme de prolongement des pratiques de maintien de l’ordre. (...)

Le Royaume-Uni se distingue par un taux d’arrestation élevé tandis que les policiers français ont des pratiques plus brutales que ceux d’outre-Manche…

Au Royaume-Uni, la répression s’opère dans un cadre légal, via les lois draconiennes (...)

En France, le taux d’arrestation (3,2 %) est beaucoup plus faible que dans le pays où je vis (16,8 %) et que dans la moyenne des pays étudiés (6,7 %) mais les violences policières (3,2 % contre 0,2 % au Royaume-Uni et 3 % en moyenne) sont beaucoup plus massives. (...)

En général, les violences policières sont plus répandues dans les pays où les arrestations sont moins fréquentes. Ce sont deux méthodes différentes pour atteindre le même but : dissuader les citoyens de se mobiliser.

Mais ce n’est « rien » comparé à la situation dans certains pays du Sud…

Entre 2012 et 2023, plus de 2 000 défenseurs de l’environnement ont été assassinés, principalement au Brésil (401), aux Philippines (298), en Inde (86) et au Pérou (58). (...)

Comment interprétez-vous la criminalisation croissante des manifestations écologistes ?

Cette escalade reflète paradoxalement l’efficacité croissante de ces mouvements. Si la criminalisation se poursuit, elle risque de rendre la contestation plus radicale.

Votre rapport recommande justement de mettre fin à la répression…

Il est crucial de reconnaître les militants écologistes comme des acteurs politiques légitimes et non comme des criminels. La répression systématique freine une transition écologique déjà poussive. (...)