
Hélène Vecchiali est coach de dirigeants d’entreprise et psychanalyste. Un soir, devant une émission d’Arte, elle s’effondre en pleurs devant des femmes et filles détruites par les viols qu’elles ont subis sans pouvoir, parfois, mettre le mot « viol » sur ces actes. Elle va alors analyser le système qui emmure les femmes dans le mutisme et cheminer avec beaucoup d’humilité, remettant en cause certaines de ses propres croyances qui tapissent notre inconscient collectif. Son livre Le silence des femmes donne un éclairage nouveau sur les nombreuses raisons qui expliquent le long et digne silence des femmes victimes de violences réelles et de violences symboliques. Entretien avec Hélène Vecchiali.
le consentement continue à être perçu comme une zone floue, c’est même devenu un vrai concept nommé « zone grise ». Cette notion est un alibi scandaleux inventé par les lâches pour se convaincre que les femmes sont des girouettes. Ils rejoignent en cela 20% des français qui pensent qu’un « non » d’une femme signifie souvent un « oui », et les 25% qui jugent que, dans le domaine sexuel, les femmes ne savent pas ce qu’elles veulent. Enfin d’autres se retranchent derrière un abject « qui ne dit mot consent ». Donc, à en croire ces raisonnements, les femmes disent tout le temps « oui » : quand c’est « oui », c’est « oui » et quand c’est « non », c’est « oui » et quand elles ne disent rien, c’est encore « oui » ! Or il n’y a pas de gris dans cette histoire de consentement, il y a du blanc et du noir. Et, dans le doute, on s’abstient.
LNN : Pour expliquer le silence, vous convoquez le concept de « confusion des langues », de quoi s’agit-il ?
C’est une théorie forgée par Sándor Ferenczi (psychanalyste hongrois) en 1932 qui dépeint le malentendu qu’il peut y avoir entre l’émetteur et le récepteur dans un dialogue. En l’occurrence, une ambiguïté volontairement entretenue par le prédateur : une épouse demande de la tendresse, son mari lui répond viol ; une amie demande de l’attention, son ami l’agresse ; une collaboratrice souhaite plus de reconnaissance, son manager la maltraite sexuellement ; une actrice se veut séduisante, son producteur la profane. Or, ce supposé malentendu produit, à tort, un sentiment de culpabilité irrationnelle chez les victimes et devient une des sources de sidération, de mutisme. Elles imaginent qu’elles sont coupables de ne pas avoir été assez claires dans l’expression de leurs attentes. (...)