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OrientXXI
En Europe, des sanctions inédites contre Israël
#Israel #Gaza #Cisjordanie #genocide #famine #tortures #Europe #sanctions #boycott
Article mis en ligne le 26 novembre 2025
dernière modification le 23 novembre 2025

Alors que plusieurs États de l’Union européenne commencent à revoir leurs accords avec Tel-Aviv et que l’Union européenne parle sans vraiment agir, des mouvements citoyens multiplient les initiatives. Dans les milieux culturels et artistiques, les formes de boycott s’intensifient créant un vrai désarroi en Israël. re.

« Nous sommes assez bons pour produire nos armes nous-mêmes », déclare Benyamin Nétanyahou le 15 septembre 2025 en réponse à l’interdiction prise par l’Espagne de livrer des armes à Israël via ses ports et son espace aérien. Le pays, dit-il, devra être autosuffisant en armement. Le premier ministre israélien reconnaît ainsi pour la première fois l’impact des sanctions. (...)

Ses propos déclenchent le lendemain la chute de la Bourse de Tel-Aviv. Car la nervosité a gagné tous les secteurs en Israël. La politique menée par le gouvernement Nétanyahou « conduit l’État d’Israël vers un abîme économique et diplomatique dangereux et sans précédent », déclare le Forum des entreprises israéliennes. (...)

Suspension des partenariats universitaires

Lancé en 2024 en Europe et aux États-Unis après plusieurs mois de guerre à Gaza, le mouvement de boycott financier, commercial, sportif, mais aussi des milieux culturels et universitaires israéliens a gagné en vigueur durant l’année 2025, notamment après la rupture par Tel-Aviv de l’accord de cessez-le-feu en mars 2025. Les images de la guerre à Gaza témoignant de la famine organisée par l’armée israélienne et de la destruction systématique du territoire, ainsi que le nombre effarant de civils tués ont déclenché de vives réactions dans la société civile, auxquelles les États ne peuvent rester insensibles. (...)

Ces structures communiquent rarement sur leurs actions ; à cet égard, l’université belge de Gand fait figure d’exception et a même été précurseur. Son recteur a déclaré dès le 17 mai 2024 que l’université mettait fin à trois partenariats avec des institutions israéliennes pour non-respect des droits humains.

En France, le mouvement reste timide. Sciences-Po Strasbourg, au grand dam du ministère des affaires étrangères, suspend, le 25 juin, ses partenariats avec l’université Reichman de Tel-Aviv en raison de son « engagement actif » dans la guerre à Gaza, regrettant ses positions « profondément bellicistes ». C’est à ce jour le seul.

Mais des pétitions circulent parmi les scientifiques français. Les autorités israéliennes s’alarment particulièrement de celle de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN). (...)

Après deux ans de guerre, Israël déplore environ mille boycotts académiques venant d’institutions américaines ou européennes. « Nous sommes dans la pire des situations, s’alarme le professeur Ariel Porat, président de l’université de Tel-Aviv. Nous espérons que la situation va s’arranger avec l’accord de cessez-le-feu, mais l’hostilité envers Israël demeure. »

La question embarrasse les universités partenaires : dans quelle mesure leur collaboration avec Israël trouve-t-elle une application militaire dans la guerre en cours ? En Israël, les secteurs universitaire et militaire sont imbriqués. (...)

L’inquiétude israélienne est d’autant plus vive que la Commission européenne propose de suspendre partiellement Israël de son programme de recherche scientifique « Horizon Europe ». Dans ce dispositif dédié aux petites entreprises, certaines développent des technologies de pointe à double usage, civil et militaire, comme la cybersécurité, les drones ou l’intelligence artificielle. (...)

La valse-hésitation européenne

Dans les institutions supranationales, le ton a changé. En septembre 2025, une commission d’enquête de l’Organisation des Nations unies (ONU) accuse Israël de génocide à l’issue de ses travaux. Ce rapport et la pression des sociétés civiles vont précipiter plusieurs décisions.

Pour violation de l’article 2 de l’accord d’association de l’Union européenne (UE) avec Israël3, qui porte sur le respect des droits humains, la Commission européenne adopte le 19 septembre la proposition de la présidente Ursula von der Leyen visant à en suspendre plusieurs volets, commerciaux et de recherche.

En conséquence, les exportateurs israéliens paieraient les mêmes droits de douane que tout autre pays (...)

L’application de cette mesure doit être validée à la majorité qualifiée, c’est-à-dire qu’elle doit recevoir l’approbation de 15 États et 65 % de la population de l’UE. Or, l’Allemagne et l’Italie, réticentes, temporisent, disant vouloir d’abord observer « si la fourniture d’aide alimentaire à Gaza s’améliore ».

Cédant à la préoccupation croissante face à la situation humanitaire dans l’enclave, l’Allemagne avait pourtant changé de ton, lorsqu’elle décidait, le 8 août, de suspendre certaines livraisons d’armes vers Israël, susceptibles d’être utilisées dans la guerre à Gaza. Cette mesure, certes limitée, représentait un tournant politique tant le soutien à Israël est raison d’État en Allemagne (Staatsräson) : en 2023, les licences d’exportation d’armes à Israël avaient connu un pic de 326 millions d’euros.

Les décisions vont se multiplier en Europe (...)

Le 3 septembre, alors que les députés écossais votent la reconnaissance de l’État de Palestine, le premier ministre John Swinney annonce que son gouvernement suspend le financement des entreprises de défense vendant des armes à Israël : « Reconnaître que nous assistons aux signes d’un génocide implique une responsabilité d’agir. »

Le 9 septembre, l’Espagne annule un contrat de 700 millions d’euros d’achat de lance-roquettes de conception israélienne. Le 23, le Conseil des ministres espagnol approuve un décret-loi interdisant définitivement l’achat et la vente d’armes, de technologie à double usage et d’équipements militaires à Israël. Le survol de son espace est désormais interdit aux avions transportant des armes pour l’État israélien.

Partout, la pression d’organisations de défense des droits humains se fait forte. Elle contraint le 25 septembre Microsoft à bloquer l’accès de son programme « Azure »4 à une unité de l’armée israélienne qui l’utilisait « pour stocker des données téléphoniques interceptées à travers une surveillance massive de civils à Gaza et en Cisjordanie ». Aux Pays-Bas, cette pression amènera la Cour suprême à ordonner le 3 octobre au gouvernement de reconsidérer sa politique d’exportation d’armes vers Israël. Les ventes de pièces détachées des avions de combat F35 seront suspendues pour six semaines. (...)

Dans le monde de la culture, les appels au boycott se multiplient. Lancé en septembre 2025, le mouvement No Music for Genocide (« Pas de musique pour le génocide ») regroupe plus de quatre cents artistes d’envergure internationale, dont Massive Attack, Fontaines D.C., Kneecap, et de labels qui ne sont plus accessibles sur les plates-formes de streaming depuis Israël. Un autre appel au boycott vise Spotify, non plus en raison de ses conditions de rémunération des artistes, les plus basses du marché, mais des investissements de son président-directeur général Daniel Ek dans l’intelligence militaire et les drones de combat. L’ambiance feutrée du classique n’échappe pas à cette mobilisation, le soliste Adam Laloum interpellant la Philharmonie de Paris sur son choix de programmer l’Orchestre philharmonique d’Israël.

Du côté du cinéma, non seulement des films israéliens sont déprogrammés de festivals ou de salles de cinéma, le plus souvent sans annonce officielle, mais ils ont aussi de plus en plus de mal à trouver un débouché. (...)

Cette forme de boycott à bas bruit est le cas le plus fréquent. Dans le secteur économique, par exemple : sans faire d’annonces, des chaînes de supermarchés en Europe retirent les produits israéliens de leurs rayons. Les impacts se font sentir chez les agriculteurs. « Ce que l’on craint maintenant, ce sont les sanctions des États », dit un producteur de fruits de la région de Tibériade dans un reportage d’Arte6. Une inquiétude partagée par les économistes israéliens. (...)

Quoi qu’il en soit, durcissement ou infléchissement, ce mouvement laissera des traces profondes par son ampleur. Une inquiétude semble s’être durablement installée en Israël.