Une enquête du Guardian révèle comment les trafiquants de cocaïne européens exploitent des mineurs isolés algériens et marocains, pour faire prospérer leur business. Endettées par l’exil, isolées de leurs proches et victimes de torture, leurs victimes se retrouvent prises au piège dans un engrenage infernal.

C’est l’une des conséquences de l’abandon des mineurs isolés en Europe. Les trafiquants de cocaïne européens font de plus en plus appel aux jeunes migrants algériens et marocains pour faire prospérer leur business, notamment à Bruxelles et Paris, révèle une enquête du journal britannique The Guardian.

Selon lui, plusieurs centaines de mineurs non accompagnés (MNA) sont déjà victimes de violences et de viols collectifs, parfois filmés, pour les contraindre à vendre de la drogue, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne et en France. D’autres sont mêmes recrutés pour aller attaquer ou intimider les gangs rivaux. Et cette macabre tendance serait en train de s’exporter en Angleterre. "La police a récemment découvert un certain nombre d’enfants marocains et algériens, apparemment victimes de torture, qui, selon eux, ont été introduits dans le pays par des gangs de cocaïne", rapporte le quotidien britannique.

En 2023, par exemple, la police anglaise avait fait état de la disparition de 136 enfants d’un hôtel de Brighton où ils étaient hébergés. Après enquête, les forces de l’ordre avait découvert qu’une grande partie avait été enlevée par des gangs criminels albanais et érythréens pour faire passer de la drogue.

Soumission chimique

À Paris, six Algériens ont été condamnés en janvier dernier pour traite d’être humain après avoir enrôlé de jeunes Marocains dans le but de leur faire trafiquer de la drogue et commettre des vols avec violence. Ils repéraient d’abord les mineurs sur le Champ-de-Mars avant de tisser un lien de confiance en leur parlant arabe, puis en les rendant accros à différents psychotropes.

Sociologue spécialisé sur les mineurs isolés, Olivier Peyroux appelle cela la soumission chimique (...)

Aux Pays-Bas, le gang redouté Mocro Maffia, règne sur le trafic de cocaïne qui transite par le port d’Anvers. Il revendique fièrement son origine marocaine et n’hésite pas à instrumentaliser les jeunes Marocains qui rêvent d’Europe, quitte à les recruter via les réseaux sociaux. "La Mocro Maffia sait qu’elle dispose, dans son pays d’origine, de ressources humaines illimitées", a déclaré une source policière belge au Guardian. (...)

En France, le phénomène des MNA exploités par des réseaux de trafic de drogue inquiète de plus en plus les autorités, notamment à Marseille. (...)

"Il y a une forme de déni sur ce sujet en France, on ne veut pas voir la traite d’être humain quand il s’agit de trafic de drogue, contrairement aux affaires de pick-pockets", commente Olivier Peyroux.

Dans un rapport publié en janvier 2023 et consacré au suivi des mineurs non accompagnés, la Cimade constatait également que ceux-ci "vont être d’abord poursuivis comme auteurs concernant la commission d’infractions plutôt que comme victimes de traite."