
Dans le cadre du Festival Mondes en vues, le cofondateur du journal en ligne Mediapart et figure majeure du journalisme d’investigation, Edwy Plenel a rencontré des élèves de terminale du lycée de Baimbridge, en Guadeloupe. Il a répondu aux questions de France-Antilles et revient sur les combats de la presse libre et la responsabilité des médias.
Pourquoi il était important pour vous de venir à la rencontre de lycéens ?
Le journal que j’ai créé, il y a maintenant bientôt 18 ans, s’appelle Mediapart, ce qui signifie « média participatif ». Dans notre métier, je pense qu’on doit partager, rendre compte, rendre des comptes, et encore plus dans les moments troublés que nous vivons, auprès de la jeunesse. Auprès de celles et ceux qui feront l’avenir et qui vont affronter, on ne va pas se mentir, les ombres qui menacent aujourd’hui. Donc j’accepte volontiers, chaque fois que des enseignants me demandent d’intervenir dans des établissements. J’y trouve de l’énergie. J’aime bien cette relation, de transmission, de partage. J’ai souvent dit qu’un bon journal, pour moi, c’est une université populaire. Notre métier a aussi à voir avec le métier d’enseignant : nos informations sont aussi des savoirs et des connaissances.
Est-ce qu’il est possible de faire du journalisme d’investigation dans notre région ?
C’est toujours très difficile et ça vaut ici comme dans d’autres territoires insulaires ou d’autres journalismes locaux de petites communautés. C’est évidemment toujours plus difficile, car tout le monde se connaît. Une information va avoir des répercussions, y compris très proches, sur la vie de la famille, des amis, des relations professionnelles. Il faut se donner les forces pour y arriver, il faut construire ce rapport de force. Ce n’est pas à moi de donner des conseils, c’est aux journalistes ici de le faire.
Mais j’ai bien senti ça en Martinique, quand nous avons été alertés par des informations locales sur la Martinique, sur un énorme scandale qui a donné lieu à des sanctions universitaires et à une procédure judiciaire concernant des détournements de fonds européens, au cœur de l’Université de la Martinique. Cette information n’avait pas réussi à percer en Martinique même. (...)
« Nous sommes des fantassins de la démocratie »
C’est une grande bataille. On voit bien que le pouvoir de Trump s’attaque à la presse, s’attaque à l’indépendance du journalisme, comme il s’attaque à l’indépendance des universités, du savoir, de la connaissance. C’est une alarme et il y a de quoi être inquiet. Et en même temps, je vais vous dire comment, moi, je le prends : cela nous renvoie à l’idéal de notre métier. Il suffit de relire Victor Hugo, au XIXe siècle, les combats initiaux pour les libertés démocratiques : nous sommes des fantassins de la démocratie dans ce métier. Nous sommes au service d’un droit fondamental. Ma génération a été, à un moment, un peu trop sénatoriale, comme si tout était acquis, tout était gagné, tout était irréversible. Et bien non. (...)