Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Édition : la mauvaise occasion de Macron
#livres #lecture #edition #Macron #precarite
Article mis en ligne le 16 avril 2024
dernière modification le 14 avril 2024

(...) Vendredi 12 avril, en fin d’après-midi, Emmanuel Macron s’est promené dans les travées du Festival du livre de Paris, entouré de son épouse, de la ministre de la culture Rachida Dati et du président du Syndicat national de l’édition (SNE) Vincent Montagne.

Après avoir distillé quelques conseils de vie – « systématiser des rites de lecture quotidienne, un quart d’heure, vingt minutes, une demi-heure chaque jour » –, le président-coach de la République a annoncé vouloir « mettre en place au moins une contribution » sur le marché du livre d’occasion afin « de protéger le prix unique et [de] permettre à nos auteurs, éditeurs et traducteurs aussi d’être mieux aidés ». Autrement dit : une taxe sur les ouvrages de seconde main, qui fera nécessairement monter leur prix. Et pénalisera les lecteurs et les lectrices.

De prime abord, cette proposition a de quoi surprendre émanant d’un homme qui considère que les hausses d’impôts sont une « maladie française » dont il faut protéger les plus riches. Mais elle s’éclaire lorsqu’on connaît le profil des personnes qui revendent et achètent des livres d’occasion. (...)

Une étude menée en 2022-2023 par le ministère de la culture et la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia) a récemment conclu que les revendeurs de livres d’occasion étaient « plus jeunes » et relevaient « plus souvent des catégories socioprofessionnelles “inférieures”, les revendeurs [cherchant] avant tout à gagner un peu d’argent, et dans une moindre mesure, à gagner un peu d’espace chez eux ». On retrouve la même motivation économique chez les acheteuses et les acheteurs.

Des conséquences pour les plus précaires

L’annonce d’Emmanuel Macron s’inscrit dans un mouvement engagé récemment par une partie du secteur de l’édition – la plus lucrative – qui s’inquiète du manque à gagner créé par le succès grandissant du marché du livre d’occasion. (...)

alors que tout le monde s’accorde à dire que les conditions économiques et sociales des artistes-auteurs ne cessent de se dégrader, rien n’a été fait pour les aider (...)

Martelant la nécessité de ramener les plus jeunes à la lecture – pour mieux fustiger « l’impact terrible [des écrans] pour la société », selon les mots de Gabriel Attal –, l’exécutif choisit ainsi de s’attaquer au marché qui permet aux plus précaires d’accéder aux livres, sans pour autant aider les plus précaires qui écrivent des livres. Une idée de génie qui répond surtout à une demande des plus gros éditeurs français, aujourd’hui concentrés entre les mains d’une poignée de grands groupes, largement représentés au sein du SNE que Rachida Dati a rencontré le 10 avril. (...)

La diversité éditoriale en danger

Tout à son objectif de satisfaire les maisons d’édition les plus puissantes, l’exécutif a également décidé d’expérimenter la publicité à la télévision pour les livres durant une période de deux ans. Le décret autorisant cette publicité sur les chaînes hertziennes a paru le 6 avril au Journal officiel (JO) et fait bondir celles et ceux qui savent pertinemment que seules les plus grosses structures pourront financer un tel dispositif, au détriment des indépendantes. (...)

Samedi matin, sur France Inter, le patron du groupe Madrigall a fait valoir que « tous les éditeurs » étaient contre cette idée, « au nom de la diversité ». (...)

Si le président de la République s’intéressait réellement à la question du livre, et par ricochet à celle du secteur de l’édition, sans doute écouterait-il davantage celles et ceux qui s’efforcent chaque jour de la démocratiser, avec des moyens réduits à peau de chagrin. Peut-être commencerait-il aussi à sérieusement s’inquiéter de la concentration éditoriale et de la mainmise de Vincent Bolloré sur toute une partie de cette industrie. (...)