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France Inter
Du drame géologique au crime sexiste de masse : les répliques silencieuses du séisme en Afghanistan
#Afghanistan #seisme #femmes
Article mis en ligne le 14 septembre 2025

Dans la nuit du 31 août dernier, la terre a violemment tremblé en Afghanistan, dans l’Hindou-Kouch, une chaîne de hautes montagnes qui prolonge l’Himalaya par l’ouest. Et quand le sol a cessé de se déformer, quand la poussière est retombée sur les décombres des maisons détruites, une deuxième tragédie a commencé pour les femmes et les filles victimes du séisme : la tragédie de n’être pas secourues par les équipes d’hommes qui arrivaient sur les lieux.

C’est ce qu’a révélé une enquête sur place du New York Times parue le 4 septembre, et fondée sur de multiples témoignages : les femmes et les filles n’ont pas été secourues. Car les lois afghanes, dictées par l’islamisme fanatique des talibans au pouvoir, interdisent tout contact physique entre les hommes et les femmes qui ne sont pas membres de la même famille. Or en Afghanistan, seulement 10 % du personnel de soin est féminin – et encore, c’est un vestige du passé, et encore, ces professionnelles ne peuvent se déplacer sans être chaperonnées par un tuteur. C’est pourquoi il n’y en avait quasiment pas, si ce n’est pas du tout, dans les équipes dépêchées sur les lieux du séisme.

Tahzeebullah Muhazeb, un volontaire de 33 ans, qui s’est rendu dans le village dévasté de Mazar Dara, témoigne auprès du New York Times : « On aurait dit que les femmes étaient invisibles ». Même blessées, elles étaient laissées sous les pierres, et devaient attendre que d’autres arrivent depuis des villages éloignés pour les en dégager, quand elles survivaient. Quant aux mortes, précise M. Muhazeb, "les secouristes les traînaient par leurs vêtements, afin d’éviter tout contact avec la peau".
Sait-on comment se répartit le bilan du séisme ?

Non, on ne le sait pas. Le tremblement de terre a fait plus 3 600 blessés et 2 200 morts, dont on ne connaît pas la répartition par sexe. Mais l’OMS a jugé la situation assez préoccupante pour demander ce lundi aux autorités talibanes de lever les restrictions imposées aux travailleuses humanitaires afghanes.

Voilà désormais quatre ans que les Talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan après que les États-Unis s’en sont retirés. On se souvient des déclarations de l’époque, des faux espoirs et des faux semblants. On se souvient des mots de notre ministre des Affaires étrangères d’alors, qui par excès de diplomatie ou de naïveté avait dit espérer une nouvelle génération de "talibans inclusifs". Comme si ça pouvait exister, des talibans inclusifs.

Quatre ans plus tard, les femmes et les filles afghanes ont été dépossédées de tout par ce régime capable, même, de transformer un drame géologique en un crime sexiste de masse. Dans le silence le plus total. Les Afghanes n’ont même plus le droit de parler. Qui les entend ? Pas grand monde. Qui est leur voix ? Pas grand monde. Et ce silence est effarant.