
Alors que le Royaume-Uni vient de dépénaliser l’IVG hors délai, les conditions et l’accès à l’IVG varient largement à travers l’Europe. Entre progrès symboliques et régressions inquiétantes ces dernières années, France 24 fait le point.
Depuis plus de 80 ans, l’Europe avance vers une libéralisation du droit à l’avortement. Sur les 49 pays de la région, 44 l’autorisent désormais. Pourtant, derrière cette majorité apparente, les disparités restent criantes, et les reculs, bien que minoritaires, pèsent lourd.
"Dans l’ensemble, nous pouvons parler de progrès en Europe. Mais la régression reste une préoccupation réelle dans certains pays qui ont évolué dans la direction opposée", alerte Kei Yoshida, conseiller juridique pour l’Europe au Centre pour les droits reproductifs. Les avancées sont souvent symboliques, tandis que les restrictions prennent des formes plus insidieuses, sur fond de montée des conservatismes.
Tour d’horizon des dernières évolutions en date – reculs ou avancées – sur l’accès à l’avortement dans différents pays d’Europe.
Royaume-Uni : la dépénalisation, un tournant historique (...)
Pologne : le statu quo répressif
À l’inverse, la Pologne campe sur une législation parmi les plus restrictives d’Europe. L’avortement n’y est permis qu’en cas de viol, d’inceste ou de menace pour la vie ou la santé de la mère. Et depuis 2016, même les cas de malformation grave du fœtus, qui concernaient plus de 95 % des IVG dans le pays, ne sont plus autorisés.
Résultat : de nombreuses femmes tentent de contourner les interdictions, notamment avec l’aide de l’organisation Avortement sans frontières (Aborcja Bez Granic, en polonais), qui a soutenu pas moins de 47 000 d’entre elles en 2024, soit en leur fournissant une pilule abortive, soit en les accompagnant à l’étranger. Offrir une aide pour avorter reste passible de trois ans de prison. En juillet 2024, une proposition de loi visant à décriminaliser et à dépénaliser cette assistance a été rejetée par le Parlement. (...)
Italie : un accès rendu de plus en plus difficile
Selon la loi, les Italiennes peuvent avorter jusqu’à 12 semaines de grossesse. Mais dans la pratique, l’accès se rétrécit à mesure que les mouvements conservateurs gagnent du terrain. En juin 2024, le Parlement dominé par l’extrême droite a adopté une loi autorisant les associations antiavortement à intervenir dans les "consultori", ces cliniques de consultation publiques par lesquels les femmes doivent passer pour accéder à une IVG.
Dans certains hôpitaux, ces groupes disposent même de locaux à deux pas des blocs où sont réalisés les avortements. Pendant ce temps, d’autres pays, comme l’Allemagne, l’Irlande ou l’Espagne, légifèrent pour protéger les patientes du harcèlement à l’entrée des centres médicaux grâce à des zones d’accès sécurisé.
Cette offensive s’inscrit dans un climat déjà tendu : près de 70 % des gynécologues se déclarent objecteurs de conscience et refusent de pratiquer des IVG pour des raisons morales ou religieuses, selon un rapport du ministère de la Santé, comme les y autorise la loi de 1978. (...)
France : une avancée historique mais des moyens fragiles
Le 8 mars 2024, la France a fait un pas historique en devenant le premier pays au monde à inscrire la liberté de recourir à l’IVG dans sa Constitution. "Ce vote a été un moment historique. Il a inspiré d’autres pays européens à envisager des protections constitutionnelles similaires", observe Kei Yoshida. Le Parlement européen a d’ailleurs adopté un mois plus tard une résolution symbolique appelant à inclure le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE. (...)
un paradoxe demeure en France : les acteurs de terrain, en première ligne pour garantir ce droit, peinent à survivre. Le Planning familial, pilier de l’accès aux droits reproductifs, dénonce des coupes budgétaires sur tout le territoire, avec 130 centres IVG fermés en quinze ans, selon le décompte de l’association, et de nombreux autres menacés. Selon les résultats du premier baromètre sur l’accès à l’avortement publié avec l’Ifop, plus de la moitié des femmes déclarent actuellement attendre plus de sept jours pour obtenir un rendez-vous, au lieu des cinq jours recommandés par l’Organisation mondiale de la santé.
Malte : un petit pas, sous haute surveillance religieuse
Dernier État de l’UE à interdire totalement l’IVG, Malte a finalement cédé en juin 2023. Le Parlement a adopté à l’unanimité une loi autorisant l’avortement uniquement si la vie de la mère est en danger ou si le fœtus est non viable. Une ouverture a minima, dans un pays où l’Église garde une emprise considérable : 90 % de la population demeure opposée à toute légalisation. (...)
Finlande : l’autonomie des femmes enfin reconnue
À l’inverse, la Finlande a franchi un cap historique. Depuis septembre 2023, les femmes peuvent avorter librement et gratuitement jusqu’à 12 semaines de grossesse, sans condition ni justification. (...)
Lire aussi :
France
– (Le Planning Familial)
Alerte sur la situation financière du Planning familial
Le Planning familial vit une situation financière inédite. C’est à cette occasion que nous lançons une campagne de soutien, autour de la date symbolique du 16 juin, jour d’ouverture du premier Planning familial à Grenoble.
Le Planning familial n’est pas un service public mais une association d’intérêt général. Or aujourd’hui l’Etat et les collectivités territoriales se désengagent financièrement progressivement, et nous observons des baisses et des coupes budgétaires partout sur le territoire.
Cela nous inquiète pour l’avenir du Planning mais aussi pour l’avenir des libertés des personnes, des droits à l’avortement, à la contraception, de l’accès aux soins mais aussi de la qualité des informations à laquelle elles pourraient prétendre.
Nous lançons une grande campagne le 16 juin pour :
- alerter le grand public sur notre situation
- rappeler l’importance de nos missions dans l’égalité femmes-hommes, le droit à l’avortement, à la contraception, à l’éducation à la vie affective, sexuelle et relationnelle, le droit à une information vérifiée et fiable
- collecter des dons pour pallier au manque de subventions et garder notre indépendance financière