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Mediapart
Donald Trump, Kamala Harris et la guerre des récits
#USA #Trump #Harris #electionpresidentielle
Article mis en ligne le 30 juillet 2024
dernière modification le 28 juillet 2024

Cette campagne présidentielle aux États-Unis est la plus chaotique de l’histoire récente du pays. Elle rappelle l’année 1968, marquée elle aussi par la violence politique et le désistement inattendu d’un président démocrate.

En deux week-ends, la dynamique de la campagne états-unienne a été profondément bouleversée. D’abord par la tentative d’assassinat contre Donald Trump, transfiguré en messie couronné par la convention républicaine qui a suivi ; ensuite par le retrait de Joe Biden, qui a transmis le bâton à sa vice-présidente. Avec la candidature – sauf nouveau coup de théâtre – de Kamala Harris, l’énergie et l’enthousiasme ont changé de camp.

Mais après les faits, ou presque instantanément dans l’ère médiatique actuelle, vient la guerre des récits, le nerf de la politique aujourd’hui, sur un terrain transformé par Trump et où les républicains disposent de nombreux atouts.

La campagne républicaine et son fidèle écosystème médiatique sont déjà en train de tenter de détruire la candidature de Kamala Harris : c’est une course de vitesse à qui déterminera le récit dominant sur sa personnalité, sa carrière et son projet pour les États-Unis.

Pour la première fois depuis des semaines, l’équipe Trump perd le contrôle du rythme médiatique. Elle perd surtout son adversaire favori, sur lequel elle avait basé toute sa stratégie de campagne. La panique est palpable dans les attaques parfois contradictoires sur le passé de procureure de Kamala Harris, l’affolement de Trump, qui voulait en début de semaine « attaquer en justice les démocrates pour le retrait de Biden », ou encore les réactions faussement outragées du camp républicain sur un supposé « déni de démocratie » de la part de l’actuel locataire de la Maison-Blanche.
X et le complot

Mais la nouvelle réalité médiatique, c’est aussi ce que ces deux dimanches ont confirmé sur le rôle central du réseau social X (ex-Twitter) et de son propriétaire Elon Musk dans la vie politique américaine. Musk a officiellement endossé la rhétorique de Donald Trump (...)

un rapport de 2020 du Comité pour la protection des journalistes (CPJ, organisation indépendante) sur « l’administration Trump et les médias » rappelait qu’entre janvier 2017 et mai 2019, vingt-six pays avaient adopté ou introduit des lois répressives sur la presse au nom de la prévention des « fake news », citant nommément cette expression largement utilisée par Trump lui-même – et qu’il faut donc manier avec précaution.

Musk avait aussi moqué directement les méthodes des journalistes qui prenaient le temps de recueillir des informations et de vérifier les faits. (...)

Le délai nécessaire pour vérifier les faits, croiser les infos et prendre le temps de l’analyse est devenu suspect. Cette dévaluation de la rigueur et de la nuance n’est pas un dommage collatéral : c’est la logique même de ces plateformes, ce sur quoi repose leur algorithme et ce qu’il récompense : une machine à conflits, qui fonctionne le mieux quand elle révèle le pire de chacun·e. C’était aussi la logique de la téléréalité, ce produit du tournant du siècle dernier qui a fait le personnage Trump.
Trump et les médias, fascination et business plan

La vie de Trump est inséparable de l’évolution récente des médias. Son rêve a toujours été d’être riche et surtout célèbre. (...)

Trump a appris de la téléréalité que les conflits sont bons pour l’audience ; et de Twitter, que la transgression est la recette de la viralité. En bon disciple de Berlusconi, il a aussi utilisé la vulgarité comme gage d’authenticité. Il représente le charisme à l’ère des réseaux sociaux. Trump a créé un personnage, et il est devenu ce personnage, sans affects mais aux réflexes saisissants : on le voit quand, juste après avoir frôlé la mort, il a le réflexe de se redresser le poing levé, pour l’image, pour le personnage. (...)

Plus encore, Trump a été rentable pour les médias. (...)

Ce qui est dangereux pour la démocratie et la presse libre peut être bon pour le business de chaînes dites « d’information » dont le modèle économique repose sur l’outrance plutôt que sur les faits, un modèle qu’on retrouve en France avec CNews. Ce modèle de relation entre certains médias et l’extrême droite reflète l’essence même du trumpisme et de sa stratégie politique : court-circuiter les institutions démocratiques par de la politique-spectacle, pour les soumettre ensuite à une opinion qu’elle aura elle-même façonnée.

La guerre des récits a commencé (...)

Face à des femmes intelligentes et puissantes, Trump a du mal à ne pas basculer dans le sexisme le plus crasse, et à ne pas les qualifier de « folles » (...)

Reste que l’énergie et l’enthousiasme ont désormais changé de camp. Dans une campagne extrêmement serrée, qui se jouera à la marge sur la mobilisation des électeurs et électrices par chaque camp, ce n’est pas négligeable.