
Lors de l’assemblée générale de TotalEnergies, le 23 mai, les dirigeants de la multinationale ont jugé « bénéfiques » leurs nouveaux investissements dans les hydrocarbures.
Il y avait comme un parfum de déni et d’impunité dans la tour de TotalEnergies, le 23 mai après-midi. La multinationale française réunissait ses actionnaires à domicile, dans le quartier d’affaires de La Défense (Hauts-de-France), pour discuter de la stratégie future du groupe. Au même moment, des militants s’activaient à Paris pour dénoncer les investissements de TotalEnergies dans les énergies fossiles, qui sont les premières responsables des émissions de gaz à effet de serre.
Cela n’a pas empêché la compagnie de le répéter devant ses actionnaires : elle « assume » de poursuivre ses investissements. Quand bien même cela va à l’encontre des recommandations scientifiques du Giec et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Depuis 2021, cette dernière appelle à renoncer immédiatement aux nouveaux projets d’exploitation de pétrole et de gaz.
« Notre stratégie est ancrée sur deux piliers : les hydrocarbures [le pétrole et le gaz] et l’électricité, énergie au cœur de la transition, a dit à plusieurs reprises Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies. Nous assumons une hausse de la production d’hydrocarbures de 3 % [en 2025]. Nous continuons d’investir dans les énergies traditionnelles pour donner à nos clients l’énergie dont ils ont besoin chaque jour pour vivre et se développer. »
Même argument du côté d’Aurélien Hamelle, le directeur général de la stratégie et de la durabilité (...)
En 2024, la compagnie française a ainsi décidé d’investir dans quatre projets pétroliers majeurs au Suriname, au Brésil et en Angola, et dans un projet gazier à Oman. Dans le même temps, des études préliminaires ont été menées en Namibie, qui devraient aboutir à un développement de projet pétrolier à l’avenir. TotalEnergies a également acquis des participations dans des actifs gaziers aux États-Unis et en Malaisie. (...)
Pour verdir un peu leur image, Patrick Pouyanné a rappelé que TotalEnergies investit dans les énergies renouvelables — seulement 4 milliards de dollars sur 17 milliards de dollars au total en 2024, soit beaucoup moins que dans les énergies fossiles — et a listé une série de mesures prises pour réduire les émissions directes de gaz à effet de serre sur les sites (mise en œuvre d’un plan d’efficacité énergétique, réduction du brûlage, etc.).
Autant de mesures qui n’annulent aucunement les émissions « indirectes », celles liées à l’utilisation des produits pétroliers et qui représentent environ 91 % des émissions totales du groupe.
Des accusations balayées
Dans la matinée, quelques heures avant le début de l’assemblée générale, des activistes d’Extinction Rebellion (XR) avaient envahi le hall du siège social de la BNP Paribas pour dénoncer les liens financiers entre la banque et TotalEnergies.
Puis rebelote, une heure avant le lancement de la grand-messe, lorsque des militants de XR ont tenté de lancer une « contre-AG » sur le belvédère du Sacré-Cœur, dans le quartier de Montmartre, avant d’être interrompus par des policiers. (...)
TotalEnergies sera convoqué devant le tribunal le 5 juin. La sincérité de sa « stratégie climat » sera examinée devant la justice française — une première dans le domaine judiciaire. Les ONG Greenpeace France, Les Amis de la Terre France et Notre Affaire à tous avaient en effet déposé un recours pour « pratiques commerciales trompeuses ». Il reste deux semaines au groupe français pour sortir du déni.
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- AG de Total : 9 interpellations lors d’actions dans Paris
Les deux actions organisées par Extinction Rebellion le jour de l’assemblée générale de TotalEnergies ont tourné court, au siège de la BNP Paribas, puis devant le Sacré-Cœur. Neuf personnes ont été interpellées. (...)
« Notre maison brûle et nous regardons la flamme »
Affublés d’une veste de costume grise et d’un masque blanc portant le logo de TotalEnergies, ils et elles buvaient du Champomy en guise de champagne. Il était, cela dit, difficile d’entendre distinctement les propos des activistes : à l’entrée du bâtiment, c’était le chaos.
Alors que d’autres militants tentaient de pénétrer à l’intérieur de l’édifice, des agents de sécurité les repoussaient violemment. « Lâchez-moi ! » criait un jeune homme, tandis qu’au même moment, une jeune femme collait sur la devanture une affiche verte disant « Notre maison brûle et nous regardons la flamme ». (...)
À peine quelques minutes plus tard, une grosse vingtaine d’agents de la Brav-M débarquaient avant d’expulser brutalement les militants, sous le regard interloqué d’employés de la banque, attendant de pouvoir rentrer dans l’établissement. (...)
Une « contre-AG » qui tombe à l’eau
Dans l’après-midi, une contre-assemblée générale était organisée par d’autres membres d’Extinction Rebellion, mais leur action a tourné court. La banderole « Assemblée de l’énergie » installée sur le belvédère du Sacré-Cœur n’est pas restée visible longtemps, retirée après quelques secondes par des policiers. (...)
« Deux poids deux mesures »
Venue participer à l’événement, qui prévoyait des prises de parole de plusieurs organisations, dont Reclaim et CarnageTotal, l’eurodéputée Manon Aubry (La France insoumise) a déploré un « deux poids deux mesures ». « Cela pose question de voir que des militants néonazis ont été autorisés à manifester dans Paris le 10 mai, mais que des activistes écolos pacifistes voulant seulement débattre de l’impact climaticide de Total ne puissent pas le faire », a-t-elle déclaré. (...)
« Ils immobilisent les gens pour trois drapeaux ? », a de son côté lancé une touriste passant par là. (...)