
Les assistantes sociales qui interviennent dans les entreprises le constatent aussi. De plus en plus de salariés ne supportent plus la façon dont ils sont traités. Ils soulignent une perte de sens dans leur travail et la multiplication des procédures accompagnées d’un contrôle de leurs faits et paroles pouvant aller jusqu’à la suppression de leurs primes liées « au mérite ». Au bout d’un moment, ils s’en vont.
Des salariés à bout
J’ai pu récemment recueillir plusieurs témoignages révélateurs d’un management hors-sol et particulièrement néfaste pour les salariées concernées. Je ne dirai pas quel service est concerné. Sachez que ces faits se déroulent dans des entreprises privées qui vendent et organisent des services qui ne relèvent pas du travail social. (...)
« Nous travaillons de plus en plus à flux tendus. Je dois gérer des problèmes d’organisation de tournées avec des chauffeurs dans toute la France. Alors que par le passé je m’organisais moi-même, j’ai au fil du temps été confronté à une multiplication de procédures et de demandes de « reporting » qui me prennent de plus en plus de temps ».
Je ne peux plus faire mon travail correctement si je respecte toutes les consignes qui sont référencées dans un catalogue énorme de procédures. Elles se sont surajoutées les unes aux autres au fil du temps. Aujourd’hui, je finis mon travail bien plus tard que par le passé. À cela s’ajoutent de multiples tâches qui me sont demandées via la messagerie. Je ne peux plus rester concentrée sur mon travail de planification sans être dérangée à tout moment. Conséquence, au lieu de terminer mon travail à 17h00 comme c’est programmé, je termine à 19H00 soit deux heures plus tard chaque jour. Comment en suis-je arrivée là, se demande-t-elle. En fait, si je ne termine pas mes tâches, ce sont les transporteurs qui sont bloqués et qui se retrouvent sans consignes précises nécessaires pour leurs tournées. Et au final ce sont les clients qui ne sont pas livrés. Ce qui provoque des tensions entre nous.
Un management infantilisant
Il nous arrive de crier face à certaines tâches, mais si on réagit mal l’encadrante que je pourrai appeler la surveillante nous rappelle à l’ordre. (...)
De plus en plus de salariés, épuisés par des pratiques managériales toxiques, choisissent de quitter leurs postes. Cette situation, loin d’être anecdotique, soulève des questions fondamentales sur la nature du management actuel et ses répercussions sur la santé mentale et physique des travailleurs.
Les témoignages de ces employés sont souvent marqués par des récits de surmenage. Mais il n’y a pas que cela. le manque de reconnaissance et les pressions constantes, révèlent les failles d’un système qui privilégie la performance à tout prix, au détriment du bien-être des individus.
Bien souvent, les salariés victimes de burn-out ne se rendent pas compte ou ne veulent pas se rendre compte de l’impact que leur travail peut avoir sur leur santé. Cependant, les conséquences sur la santé sont nombreuses (...)
De multiples causes de mal-être au travail qui s’entremêlent.
Les outils numériques ont contribué à transformer des professionnels en des opérateurs zélés qui travaillent dans un environnement souvent insoutenable. (...)
À cela s’ajoute une communication déficiente au sein des équipes, exacerbée par un manque d’écoute et de soutien de la part des supérieurs hiérarchiques (...)
J’entends aussi des employeurs qui se plaignent du manque de motivation de leurs salariés et de leur difficulté à recruter. Ils ne se posent jamais la question de l’origine de cette désaffection. (...)
Face à ce constat alarmant, il est impératif de repenser les pratiques managériales pour mettre en place un environnement de travail plus adapté et inclusif. Cela passe par une valorisation des compétences et du bien-être des salariés, une meilleure reconnaissance de leur travail et la promotion d’une culture d’entreprise fondée sur le respect mutuel et l’écoute. (...)
Selon une étude menée en 2022 par Opinion Way, le nombre de salariés ayant connu un burn-out sévère a triplé par rapport à celui d’avant la pandémie de Covid-19, atteignant 2,5 millions de personnes en France. (...)
L’enjeu est de taille : il s’agit de réconcilier pratique professionnelle et bien-être, dans une approche qui reconnaît la valeur et la dignité de chaque salarié. En mettant l’humain au cœur des préoccupations managériales, il est possible de créer des entreprises plus résilientes, où les salariés se sentent valorisés et écoutés.
Ce changement de paradigme est essentiel. Il ne s’agit pas seulement de prévenir les départs forcés mais aussi de construire un avenir professionnel où le bien-être des salariés est perçu non comme un coût, mais comme un investissement durable pour la société.