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France24/AFP
Des Afghans craignent pour leur vie après une fuite massive de données des autorités britanniques
#RoyaumeUni #Afghanistan #fuitededonnees
Article mis en ligne le 18 juillet 2025

La divulgation accidentelle des données de 19 000 Afghans ayant aidé les forces britanniques plonge une partie des personnes concernées et leurs familles dans l’angoisse des représailles de la part des Taliban. Car si certaines ont été discrètement évacuées par le Royaume-Uni depuis l’année dernière, les autres dénoncent un sentiment d’abandon.

La fuite de données est d’une ampleur considérable. Près de 19 000 noms d’Afghans ayant demandé l’asile au Royaume-Uni après avoir collaboré avec les autorités britanniques avant le retour des Taliban au pouvoir en août 2021 ont été divulgués par simple négligence, à la suite d’une erreur dans l’envoi d’un e-mail.

À l’origine de cette divulgation massive de données se trouve un soldat britannique basé à la caserne de Regent’s Park, le quartier général des forces spéciales à Londres.

Le quotidien britannique The Guardian révèle que l’homme était chargé de vérifier les demandes de réinstallation dans le cadre de la "politique d’assistance et de réinstallation en Afghanistan" (Arap), conçue pour les Afghans ayant travaillé pour les forces britanniques dans le pays. Un programme mis en place par Londres pour rapatrier rapidement vers le Royaume-Uni les personnes craignant des représailles de la part des Taliban.

Le soldat chargé de superviser les demandes a alors contacté plusieurs Afghans au Royaume-Uni, pensant leur envoyer une liste de 150 noms. Mais en réalité, il leur a envoyé par courriel une copie de la liste complète des candidats à l’asile, qui a été transmise à d’autres personnes en Afghanistan.

Dans cette liste figuraient leurs noms, mais aussi leurs adresses et l’identité des membres de leurs familles.

Une divulgation des données aux conséquences dangereuses, l’affaire intervenant en février 2022. Les Taliban ont repris le pouvoir à Kaboul six mois plus tôt, ils fouillent les maisons et menacent ceux qui ont collaboré avec les armées occidentales. (...)

Ordonnance de la Haute cour de justice

Pourtant, le gouvernement britannique tarde à réagir. D’après la BBC, il n’aurait été informé du scandale qu’en août 2023, lorsqu’une association signale que des informations confidentielles ont été publiées sur Facebook.

Paniqués, les ministres et les responsables du ministère de la Défense demandent alors à la Haute cour de justice une ordonnance empêchant la diffusion de toute information autour de cette fuite, pour réduire le risque que les Taliban apprennent l’existence de ces données et "protéger les personnes qui auraient pu être ou qui ont été exposées".

Selon les médias britanniques, cette mesure, qui a été levée mardi, est la plus longue ordonnance de ce type. C’est la première fois que le gouvernement demande une telle mesure restrictive à l’encontre des médias.

"Tout est apparu en une seconde"

Pour les familles afghanes concernées, le choc reste immense. (...)

Seuls 4 500 Afghans ont été évacués depuis la divulgation des données, grâce à une opération tenue secrète. Le programme de réinstallation pour les personnes concernées, intitulé "Afghanistan Response Route", a été mis en place en avril 2024 après que le gouvernement conservateur de l’époque a eu connaissance de la fuite. (...)

Environ 600 autres Afghans et leurs proches devraient être accueillis au Royaume-Uni avant la fin du programme. Au total, environ 6 900 personnes devraient donc s’installer dans le pays dans le cadre de l’Afghanistan Response Route.
9 500 Afghans laissés sur place

Quid de ceux restés en Afghanistan ? Dans son discours devant la Chambre des communes, John Healey a également indiqué que le gouvernement allait mettre fin au programme d’accueil, laissant sur place environ 9 500 Afghans ayant travaillé pour Londres, selon le Guardian. (...)

"Je suis actuellement en Afghanistan et si cette information est divulguée, le régime afghan actuel me retrouvera et me torturera, ce qui mettra ma vie en danger", témoigne aussi Abdullah. Il raconte avoir reçu un e-mail des autorités britanniques le prévenant que ses données avaient pu être compromises.

Le message lui conseille de "limiter l’accès à ses profils sur les réseaux sociaux et de ne pas accepter de demandes d’ajout d’amis ou de suivi de personnes que l’on ne connaît pas et en qui l’on n’a pas confiance". Il était aussi recommandé de ne pas répondre aux appels téléphoniques ni aux messages provenant d’inconnus.

"J’ai tout fait pour les forces britanniques… Je le regrette. Pourquoi ai-je mis ma famille en danger à cause de cela ? Est-ce là la justice ? (…) On a aidé les Britanniques, et maintenant, on est abandonnés", s’indigne sur Sky News un autre père de famille afghan qui travaillait pour l’armée britannique.
Plus aucun risque ?

De son côté, le ministre britannique de la Défense a déclaré qu’il était "incapable de dire avec certitude" si quelqu’un avait été tué à la suite de la violation majeure de données. Il a aussi estimé qu’il était "hautement improbable" que le fait d’être sur la liste augmente désormais le risque d’être ciblé par les Taliban.

Mais d’après Adnan Malik, avocat chez Barings Law représentant un millier de victimes, en Afghanistan, certaines des personnes figurant dans la base de données divulguée ont dû se cacher, tandis que d’autres ont été tuées lors d’attaques ciblées. Il envisage d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre de l’État britannique. (...)

Quant au responsable de cette fuite de données, le gouvernement n’a pas précisé s’il avait fait l’objet de mesures disciplinaires. John Healey a seulement déclaré que le soldat impliqué dans la fuite "ne faisait plus le même travail" et a présenté des "excuses sincères". Il a ajouté qu’il n’allait pas "lancer une chasse aux sorcières", reconnaissant que l’affaire est "bien plus grave que l’erreur d’un seul individu".