
Depuis plusieurs semaines, un débat fait rage dans plusieurs villes françaises : faut-il mettre fin aux jumelages avec des localités israéliennes ? Poussées par des élus de gauche, certaines, comme Strasbourg, ont franchi le pas. D’autres, comme Marseille, préfèrent chercher le compromis.
(...) Une cinquantaine de villes concernées
Au total, un peu plus d’une cinquantaine de communes ont actuellement un jumelage avec une ville israélienne, selon l’annuaire des villes jumelées de l’Association française du Conseil des communes et régions d’Europe (AFCCRE).
Créé à la fin de la Seconde Guerre mondiale dans une optique "de contribuer à la paix et de réconcilier les peuples", le jumelage se cantonnait initialement à des partenariats entre villes européennes, explique l’AFCCRE.
Dans ce souci d’apaisement, ce sont donc d’abord des jumelages entre la France et l’Allemagne qui ont foisonné. Puis, dans les années 1970, en pleine Guerre froide, le nombre de jumelages s’est envolé. Plus d’un millier ont été signés. Progressivement, l’opération a commencé à dépasser les frontières de l’Europe et a donné naissance à des partenariats avec des pays plus lointains, au Japon, au Pérou… et en Israël.
"Qui se ressemble s’assemble." Bien souvent, derrière le choix d’un jumelage se cache un point commun entre les deux villes (...)
S’il s’agit ainsi avant tout d’un "lien d’amitié symbolique", le jumelage donne aux villes associées un cadre pour développer entre elles différents volets, éducatif, sportif, culturel, touristique ou économique. Il facilite souvent des voyages scolaires ou des séjours linguistiques.
"Au nom de quoi couperions-nous les ponts ?"
Marseille n’est que le dernier exemple en date d’une longue liste de passes d’armes dans les conseils municipaux autour de la question israélienne. Pour cause, la France insoumise (LFI) en a fait l’un de ses combats, réclamant le déjumelage dans toutes les villes concernées. "Nous défendons nationalement cette position", a affirmé à franceinfo le coordinateur de LFI, Manuel Bompard. (...)
A Bordeaux, le maire écologiste (EELV) Pierre Hurmic a également refusé d’abandonner le partenariat de la ville avec Ashdod, située au sud de Tel-Aviv, après une demande des Insoumis, rapporte Sud Ouest. Avec le même argumentaire que son homologue marseillais : un partenariat existe aussi avec Ramallah, en Cisjordanie, le signe d’une politique "non partisane" et "équilibrée". "On ne peut pas laisser dire que le peuple israélien est réductible à ses dirigeants actuels", a défendu l’édile. "Au nom de quoi couperions-nous les ponts ?"
Même chose à Toulouse. L’opposition insoumise a officiellement demandé le 4 juin la "suspension" du jumelage avec Tel-Aviv, acté en 1962, "tant que le gouvernement israélien violera le droit international, le droit de la guerre et la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide".
"Les jumelages ont été développés pour promouvoir l’amitié entre les peuples. Les peuples sont là tout le temps alors que les gouvernements changent. (…) Je ne fais pas d’amalgame entre la ville de Tel-Aviv et le gouvernement de Benjamin Netanyahu", a là encore répondu le maire ex-Les Républicains, à Actu Toulouse.
Soutiens à la Palestine
Ailleurs, d’autres ont opté pour des choix plus radicaux. À rebours de la temporisation affichée dans les trois villes du sud de la France, la municipalité de La Rochelle a pour sa part décidé de suspendre son jumelage avec la ville d’Acre – un partenariat noué en 1972. (...)
À Strasbourg, aussi, la maire, Jeanne Barseghian, a annoncé le 22 mai le gel du jumelage avec la ville de Ramat Gan, tout en affirmant qu’il s’agissait avant tout d’une décision liée aux difficultés logistiques, notamment au fait qu’il est actuellement impossible de se rendre dans la région. Une porte pourrait "se rouvrir", a-t-elle assuré.
Mais dans la capitale alsacienne, l’annonce a particulièrement attisé les tensions. Pour cause, deux jours après, Jeanne Barseghian accueillait une délégation du camp de réfugiés palestinien d’Aïda. Pour l’occasion, elle était apparue avec un keffieh, symbole palestinien, et une carte représentant le Proche-Orient mais où Israël n’apparaissait plus. Elle avait alors annoncé qu’un nouveau jumelage avec le camp d’Aïda, en Cisjordanie, serait proposé au vote du conseil municipal strasbourgeois le 23 juin.
Devant ces images, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) avait immédiatement suspendu son partenariat avec la mairie de Strasbourg. "Elle aurait pu nouer une relation avec Aïda tout en gardant ces liens vieux de plus de trente ans, on n’aurait rien eu à dire. Mais là, on a l’impression que la municipalité prend parti", a dénoncé auprès de Franceinfo Fabielle Angel, la présidente de la Licra dans le Bas-Rhin.
Strasbourg n’est cependant pas seule à avoir opté pour cette position. Ces derniers mois, d’autres villes ont noué des partenariats dans les Territoires palestiniens, comme La Chapelle-sur-Erdre, en Loire-Atlantique, avec le camp de Jénine, Trappes avec le camp d’Al-Fawwar, ou encore Rostrenen avec le camp de Nour Chams. Sans aller aussi loin, de nombreuses municipalités multiplient aussi les marques de soutien à la cause palestinienne en accrochant des drapeaux sur les façades des mairies ou encore en organisant des événements caritatifs pour Gaza.